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Forum Europe-Afrique : un New Deal pour un business transformateur des économies

Au moment où le monde conjugue plusieurs changements, les dirigeants européens et africains pensent également à une nouvelle forme de partenariat bilatéral. Mais comment refonder, concrètement, un New Deal économique et financier qui prenne en compte les aspirations et urgences des deux continents ? Retour sur la séquence d’ouverture du Forum Europe–Afrique qui a réuni à Marseille le 17 mars un panel d’experts de haut niveau.Écoutez cet article

En finir avec la langue de bois et s’attaquer aux vrais problématiques économiques, changer le regard sur l’Afrique et les Africains, coopérer d’égal à égal, créer des ponts entre les métropoles européennes et africaines tout en travaillant à l’amélioration du climat des affaires …, la table ronde inaugurale du Forum Europe Afrique a donné le ton d’une série de débats riches, tout en posant le cadre de ce qui devrait désormais régir les relations entre les continents européen et africain : un New Deal que les dirigeants des deux côtés de la rive méditerranéenne, appellent de leurs vœux.

Définir les « opportunités communes »

L’Union européenne (UE) propose un nouveau partenariat au continent africain dans lequel Bruxelles prend plus d’engagements financiers avec notamment le Global Gateway (sa nouvelle stratégie d’appui au développement dans le monde) dont 50% des fonds -soit 150 milliards d’euros- seront exclusivement destinés aux projets et entreprises sur le continent africain, selon les promesses de la Commission de l’UE. Une réponse aux routes de la soie de la Chine. Si un certain scepticisme domine l’opinion africaine quant au New Deal proposé par l’Europe, le professeur Carlos Lopes, économiste et ancien secrétaire général de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique a souligné la nécessité de changer de paradigme. « Il faut sortir de la logique que ce sont toujours les aides qui vont résoudre les problèmes, ce sont plutôt des opportunités communes », a-t-il déclaré.

L’industrialisation africaine, le « premier» New Deal

Une logique fermement soutenue par Aminata Touré, ancien Premier ministre du Sénégal. Seule femme sur le panel, elle n’a pas hésité à pointer les « déséquilibres » qui ont longtemps caractérisé les relations économiques entre l’Europe et l’Afrique, appelant à « une nouvelle manière de faire les affaires ». « Il ne s’agit plus d’investir dans les industries extractives, on prend et on va transformer ailleurs. Le premier New Deal à avoir est de faire ensemble du business en Afrique, on transforme en Afrique, on crée des chaines de valeur en Afrique, on emploie des Africains et on partage de manière équitable le profit », a-t-elle martelé, soulignant qu’il est « aussi de l’intérêt de l’Europe de businesser avec le continent africain ».

« L’Afrique c’est 30% des minerais mondiaux, 21% de la production d’or, 46% de la production de diamants, 75% de la production de platinium…, 60% des terres arables. L’avenir de la nutrition mondiale va se passer en Afrique. Et si l’Europe veut coopérer avec l’Afrique, cela ne peut plus se passer comme avant. » Aminata Touré, ancien Premier ministre de la République du Sénégal.

Investir dans le développement des villes

Alors que l’une des priorités africaines érigée en urgence suite à la pandémie de Covid-19 et dans le contexte actuel de crise ukrainienne reste l’industrialisation, celle-ci semble parfois compromise par la grande course vers la décarbonisation -l’autre nerf de la guerre. Sur ce point, les différents intervenants ont rappelé que l’Afrique reste un faible émetteur de Gaz à effet de serre (GES), estimant que le continent -grâce notamment à ses forêts- dispose de solutions pour le reste du monde et particulièrement l’Europe.

Au niveau des villes, la croissance démographique est un atout et c’est en cela que les métropoles ont un rôle important à jouer dans le New Deal entre l’Europe et l’Afrique, selon Robert Beugré-Mambé, ministre Gouverneur du District d’Abidjan et Secrétaire général de l’Association internationale des maires francophones (AIMF). « L’Afrique se modernise de plus en plus. En Côte d’Ivoire à titre d’exemple, plus de 50% de la population est urbaine. Il en est de même pour le Sénégal et plusieurs autres pays du continent. Les besoins en investissements et en infrastructures sont énormes. Et ce sont des opportunités pour l’Europe », a-t-il déclaré, ajoutant que tel est l’un des motifs des actions du Fonds pour développement des villes francophones.

En ce sens, Serge Ekué, président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) estime que « les éléments de développement qui concernent l’agriculture, l’énergie, les infrastructures, la santé, l’éducation, l’immobilier sont les mots clés pour ce nouvel accord de New Deal ».

La Tech au cœur du partenariat

Pour Jean Van Wetter, Directeur Général d’Enabel Belgium, la relation entre l’Europe et l’Afrique peut prendre un nouveau visage grâce à la technologie. « Je pense que les innovations africaines qui vont arriver et qui n’existe pas encore en Europe vont inverser les tendances et le dialogue, du fait du contexte challengeant (population jeune pétrie d’idées, démographie galopante…) », a-t-il affirmé, citant l’exemple du mobile money au Kenya et en Tanzanie (où il a vécu pendant six ans) qui a révolutionné les systèmes de paiement en Afrique il y a une dizaine d’années. Le patron de l’Agence de développement belge soutient la logique de « défis communs » qui anime actuellement la démarche des Européens, estimant qu’il est important, dans le contexte mondial actuel, de « regarder vers l’avenir ».

Zlecaf, la bienvenue !

Alors que la France assure cette année la présidence de la Commission de l’Union européenne, le ministre français de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire voit dans le New deal proposé par l’Europe, « un partenariat économique de rupture » qui prenne en compte, entre autres, les intérêts des entreprises européennes et africaines sur ces marchés.

Pour sa part, le Conseil des investisseurs français en Afrique (CIAN) entend capitaliser sur l’expérience historique des entreprises françaises sur le continent afin de porter cette refondation des relations économiques entre les deux continents, accueillant à bras ouverts le marché géant progressivement mis en place par l’Union africaine (UA). « Il faut augmenter les marchés et pour cela il faut faire des zones de libre-échange. Nous soutenons fortement la zone de libre-échange continentale africaine [Zlecaf, NDLR] », a conclu Etienne Giros, président délégué du CIAN.

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