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Le monde arabe et l’ordre mondial après la guerre de Gaza / Seyid Ould Abah

Seyid Ould Abah est professeur de philosophie et sciences sociales à l’université de Nouakchott, Mauritanie, et chroniqueur dans plusieurs médias. Il est l’auteur de plusieurs livres de philosophie et pensée politique et stratégique.

La guerre actuelle de Gaza ne pourrait certes pas être considérée comme un seuil de rupture dans l’ordre international, mais c’est un événement majeur qui a des répercussions évidentes sur la scène mondiale.

Le problème palestinien qui a resurgi dans les agendas internationaux n’est que la manifestation d’un changement crucial qui affecte toute la région moyen-orientale alors qu’il paraissait avoir perdu une grande part de son intérêt géopolitique.

Depuis le règne d’Obama, les différentes administrations américaines ont clairement redéfini les orientations stratégiques des États-Unis en fonction de la régression du monde arabe dans l’échelle d’intérêts de la superpuissance américaine et la montée inéluctable de l’axe asiatique autour de la Chine.

Le monde arabe se présente dès lors comme une zone de moindre importance, en proie aux guerres civiles et à l’instabilité politique, pris en tenaille entre le radicalisme violent et le despotisme brutal, sa source économique essentielle (le pétrole) étant en voie de perdre sa valeur initiale. D’éminents experts politiques américains ont même défendu la thèse de l’alternative iranienne aux acteurs arabes moyen-orientaux, en prônant la réintégration de l’Iran dans l’échiquier géopolitique international.

La guerre d’Ukraine, tout en déplaçant le centre d’intérêt vers la Russie poutinienne, était présentée comme l’illustration de cette nouvelle équation stratégique. Le souci principal des autorités américaines a consisté à faire face à une alliance euro-asiatique anti occidentale, autour d’un axe russo-chinois. Les pays arabes ont généralement adopté une ligne de neutralité vis-à-vis de ce conflit. Si la Russie a intensément œuvré au rapprochement avec les pays arabes, avec lesquels elle est liée par des intérêts énergétiques communs, les États-Unis se sont contentés de préserver leur influence habituelle dans la région, sans attitude bienveillante notoire vis-à-vis de ses partenaires traditionnels.

La guerre de Gaza a changé sensiblement la donne, en ressuscitant le dossier palestinien, délaissé et abandonné depuis deux décennies.

La communauté arabe qui a élaboré depuis 2002 une initiative de solution globale et pacifique du conflit israélo-palestinien en fonction des normes et règlements du droit international, s’est heurtée à la position d’appui inconditionnel américain au gouvernement d’extrême droite qui est au pouvoir en Israël.

L’image de la société politique palestinienne s’est gravement détériorée du fait des dissensions et divisions alarmantes qui l’ont largement fragilisée.

Le processus de Madrid-Oslo parrainé par les États-Unis depuis 1991 achoppe sur des questions cruciales relatives à la solution finale du problème palestinien.

Un haut diplomate arabe habitué aux cercles onusiens nous a confié récemment que les administrations américaines successives ont fini par entériner la vision des radicaux israéliens consistant à nier l’existence du problème palestinien, réduisant le conflit local aux enjeux sécuritaires, tout en suivant la politique d’annexion des territoires pour rendre inopérante la solution à deux États.

Le mouvement national palestinien qui a longtemps incarné cette cause en maintenant sa vivacité sur la scène internationale, souffre depuis longtemps d’une crise profonde qui a rendu sa voix inaudible et son action vulnérable.

L’image de la société politique palestinienne s’est gravement détériorée du fait des dissensions et divisions alarmantes qui l’ont largement fragilisée.

La diplomatie américaine de retour sur la scène moyen-orientale n’a pu avoir d’impact effectif sur les orientations et décisions des pays arabes engagés dans la voie de la protection des populations civiles qui subissent une des plus barbares agressions armées des temps modernes, et avec la perspective de garantir les droits du peuple palestinien reconnus par le droit international.

L’administration américaine qui a supervisé le front occidental contre l’invasion russe de l’Ukraine, se trouve aujourd’hui désemparée face à la nouvelle tragédie palestinienne qui requiert les mêmes principes de droit et de légalité. Le soutien massif et inconditionnel d’Israël met le gouvernement de Biden dans une impasse morale et juridique et amoindrit son champ d’action sur la scène moyen-orientale, au profit de la Russie et la Chine qui se sont alignées sur la position unanime des nations non occidentales.

La question qui se pose actuellement dans le contexte palestinien est autant éthique que politique, elle consiste à savoir si les vies humaines se valent et si les normes du droit international sont réellement universelles et nécessaires.

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