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Atmosphère délétère au sein des Zawiya Hammalistes de Mauritanie

Les Zawiya hammalistes implantées à Kaédi, Nouakchott et Nouadhibou sont régulièrement secouées par des troubles internes opposant leurs partisans essentiellement issus de la communauté Soninké.

Le conflit lié à la direction de la prière au sein des Zawiya est latent et des échauffourées sont signalées ça et là avec des craintes de dérapage et d’atteinte à l’ordre public et à l’intégrité physique des membres de la confrérie.

Deux camps sont opposés : celui des supposés esclaves et celui des nobles, une stratification sociale encore en vigueur et qui continue à faire des dégâts comme cela a été souligné et dénoncé il y a tout juste quelques jours par le président de la République dans son discours historique à Ouadane dans lequel il a pointé du doigt et cloué au pilori  avec la dernière énergie tous les anachronismes sociétaux de cet acabit.

Et pour revenir au sujet les deux groupes en conflit sont à couteaux tirés et se rejettent la responsabilité.

Pourtant un accord notarié signé le 30 avril dernier à Kaédi par les représentants des deux camps était censé mettre fin au litige.

En vertu de cet accord « les membres de la confrérie sont déclarés égaux en droits et en devoirs conformément aux principes fondamentaux de notre sainte religion l’islam ; dans toutes nos Zawiyas les prières seront dirigées par un imam Ratib reconnu sans aucune forme de distinction ; en l’absence de l’imam Ratib toute personne membre de la communauté remplissant les conditions peut diriger la prière. »

Telles sont entre autres les principales clauses de cet accord qui selon le camp dirigé par Bâ Aliou Coulibaly a été classé aux calendes grecques et n’est pad du tout respecté par la partie adverse.

Et ce n’est pas tout affirme notre interlocuteur qui accuse : « Le chef et plusieurs personnes proches de lui prônent  un discours d’intimidation fanatique  visant à faire soumettre les disciples de manière  inconditionnelle et aveugle à  l’autorité  divine du chef qui selon eux est le garant de leur salut à  l’au-delà. 

Désormais ils procèdent à  une série de plaintes contre nos partisans pour les intimider. » Et Mr Coulibaly d’enfoncer le clou : « Deux partisans de l’immobilisme à  savoir Diagana Mohamed Youssouf  un ancien officier expatrié  en France et Ablaye Wague un docteur au CNROP de Nouadhibou ont affirmé  dans la Zawiya  devant une assistance de plus de 100 personnes que notre Tariqa est incompatible avec les droits de l’homme.  Le dernier a ajouté  que si nous ne sommes pas contents de notre situation d’esclave nous avons le choix de nous faire rebaptiser et de changer nos noms  comme pour confirmer qu’un  nom peut-être Supérieur  à  un autre. »

Mr Coulibaly dénonce par ailleurs les intimidations dont sont victimes certains disciples récalcitrants à l’ordre féodal et le retournement de certains d’entre eux qui acceptent de marcher contre leur gré pour échapper à la prison.

Et beaucoup plus grave encore poursuit-il : « Le guide refuse de se conformer à  l’accord et défie l’autorité de l’état.  Pour preuve après l’accord, les disciples au niveau de la Zawiya de Nouadhibou ont convenu de mettre en place deux Imams : un titulaire issu de l’autre camp et le Nayib issu de notre camp. Quand le leader a appris cela il leur a opposé un refus catégorique car selon lui un esclave ne doit pas diriger une prière.  Depuis lors la Zawiya de Nouadhibou est fermée.

Selon lui l’imamat dans nos Zawiya doit obéir à  l’ordre féodal traditionnel selon lequel les rôles sont assignés par ascendance.

Dans l’histoire récente, depuis plus de 60 ans jamais un disciple d’origine servile n’a  dirigé  une prière.  Le seul cas était celui de Nouadhibou car la personne en question bien qu’étant plus qualifiée  avait accepté  l’ordre féodal. Aujourd’hui quand elle a pris conscience en  dénonçant et en se révoltant contre cet ordre, le chef a refusé  qu’elle  dirige une prière  dans la Zawiya. »

Si Mr Coulibaly lance la sonnette d’alarme c’est parce que selon lui: « Aujourd’hui nous vivons une situation particulièrement tendue qui, si elle n’est pas résolue sur la base du droit et des préceptes de l’islam  risque de dégénérer. »

Autre son de cloche du côté de l’autre partie que nous avons écouté. Ainsi les arguments avancées plus haut ont été balayés d’un revers de la main par Mr Ceibany Diagana qui nie l’existence d’un problème au sein de la confrérie et accuse Mr Coulibaly de faire cavalier seul et de politiser l’affaire par l’entremise de Birame.

« C’est ce monsieur qui en fait un problème crypto-personnel. Beaucoup de ses supposés partisans ne sont pas d’accord avec lui.

Depuis la signature de l’accord ils nous attaquent à travers leur site en proférant des insultes. Et nous sommes restés tranquilles malgré tout. »

Et Diagana de poursuivre en s’interrogeant : « Ces gens ne savent pas ce qu’ils veulent. Tantôt ils parlent d’imamat, tantôt ils parlent de mariage mixte. Leur démarche n’est pas cohérente. C’est tout juste une rébéllion menée par Baliou. Il a des idées esclavagistes. Il veut greffer une problématique étrangère au microcosme de notre confrérie. Comment voulez-vous imposer un imam aux gens ? Cela n’existe dans aucune confrérie. L’imamat ne s’improvise pas. Dans notre confrérie n’importe qui peut faire prier les gens. Et son frère Youba a fait prier les gens. Dans notre confrérie l’égalité est parfaite»

Il ajoute : « Dans notre confrérie c’est l’égalité totale. Nous portons la même tenue pendant les mariages. Et personnellement je m sens plus proche de l’un d’eux que de mon propre cousin. Nous avons une vision commune. »

Au sujet des persécutions contre les membres du camp opposé Mr Diagana est catégorique : « Mr Coulibaly fait allusion à son bras droit qui a insulté l’imam Ratib de Nouakchott qui a porté plainte contre lui. Et face à la justice il avait le choix entre reconnaître sa faute et s’excuser ou aller en prison. Personne n’a fait pression sur lui. Et il a reconnu que c’est Baliou qui le manipulait. Et maintenant Baliou veut allumer un autre feu. Personne ici n’a monté personne contre d’autres. Nous nous prônons l’apaisement. Baliou a un égo démesuré. Ce monsieur a monté des enfants contre leurs propres pères ; des enfants qui ont battu leurs propres pères. Il veut donner une autre dimension au problème. Il nous fait une mauvaise publicité. Mais nous lui disons la Zawiya est ouverte et si elle ne vous intéresse pas prenez vos bagages et déguerpissez. Chacun est libre.»

Et Mr Diagana de conclure : « Le but derrière tout ça c’est de fermer les Zawiyas mais nous sommes sereins et suivons le mot d’ordre de notre chef religieux qui est resté grand en nos disant : ne répondez pas aux invectives. »

Ainsi don, Soixante dix neuf ans après la mort de son fondateur le mouvement hammaliste continue à déchainer les passions.

Rappelons que ce mouvement politico-religieux fiché par l’administration coloniale française s’était toujours distingué par un bouillonnement politico-religieux qui continue encore de nos jours.

Bakari Guèye

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