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Les maladies cardiovasculaires: l’une des premières causes de mortalité en Mauritanie

Point Actu – Je m’appelle Ahmed Ould Eba Elwelati, directeur du centre national de cardiologie (CNC), je suis cardiologue depuis 25 ans.

J’ai choisi ce métier parce que la cardiologie est un problème de santé publique, et l’émergence des maladies cardiovasculaires fait appel à beaucoup de ressources humaines. C’est une spécialité qui est en pleine essor, avec le vieillissement de la population on a besoin d’avoir plus de cardiologues.

Les difficultés du métier de cardiologue

Les grandes difficultés que nous rencontrons dans ce métier, c’est le coup élevé de la prise en charge et l’équité des soins. Quand on est devant un malade indigent qui ne peut pas se prendre en charge, cela nous pose un problème. La dilatation des artères coronaires et la chirurgie cardiaque sont des actes de hautes technicités qui nécessitent un traitement lourd et couteux.

Le rôle du cœur dans l’organisme

Le cœur est le moteur de la circulation sanguine, chaque cellule chaque organe du corps humain a besoin d’être perfuser, pour son apport en oxygène, en nutriment et toutes ces fonctions sont assurées par, une pompe qui est vitale, le muscle cardiaque. Un arrêt cardiaque de quelques minutes va aboutir à une mort des organes, mort cellulaire, qui va commencer par le cerveau, les reins, et une fois que ces organes ne fonctionnent plus c’est la mort qui s’installe en quelques minutes. On peut vivre avec un seul rein ou avec un poumon mais pas avec un arrêt cardiaque ou une détérioration des performances du cœur.

Facteurs de risque cardiovasculaires

Les maladies cardiovasculaires sont favorisées par des facteurs, appelés facteurs de risque qui vont aboutir à l’artériosclérose des artères coronaires qui sont responsables des crises cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux.

Il y a des facteurs qui ne sont pas modifiables, l’âge, l’hérédité, le sexe. Et d’autres facteurs qui sont, l’hygiène de vie, le tabac, le cholestérol, le diabète, l’hypertension artérielle.

Tous ces facteurs combinés vont favorisés le développement de l’artériosclérose, l’occlusion des artères coronaires, cérébrales et cela va entrainer à une crise cardiaque.

Nous demandons à la population de corriger ces facteurs de risque, d’éviter le tabac, l’obésité, de faire une activité physique quotidienne, et de traiter le diabète. Bien sûr on ne peut pas changer nos gênes, ni de sexe, ni arrêter l’âge. Mais tous ces facteurs doivent faire l’objet d’un effort individuel pour limiter les dégâts causés par l’artériosclérose.

Les pathologies cardiovasculaires en Mauritanie

Les pathologies cardiovasculaires les plus fréquents en Mauritanie sont l’hypertension artérielle qui représente 27% de la population, suivi des coronaropathies 10 à 15% des malades qui sont hospitalisés en cardiologie ont des problèmes de coronaire, les artères sont bouchées par la graisse et des dépôts de cholestérol sous forme de plaques et d’artériosclérose.

Les pathologies moins fréquentes sont les valvulopathies, les valves qui séparent les deux orifices cardiaques, les ventricules et les auricules. Ces valves sont parfois touchées par le rhumatisme cardiaque qui est une maladie qui touche les jeunes, qui malheureusement va nécessiter le remplacement de la valve.

Si je résume, l’hypertension artérielle est la maladie la plus fréquente. Suivi des coronaropathies, les infarctus du myocarde du syndrome coronaire. Et la valvulopathie qui est une atteinte des valves qui est lié à un rhumatisme cardiaque qui commence depuis l’enfance, qui au bout de quelques années va aboutir à une dégradation des fonctions valvulaires qui nécessitera un remplacement par la chirurgie cardiaque.

Causes et conséquences de l’hypertension artérielle

L’hypertension artérielle est une hyper pression au niveau des artères, qui est lié à un phénomène neuro-hormonal complexe, il est donc difficile d’établir une seule cause.

L’excès de sel dans notre alimentation, le surpoids, l’absence d’activité physique, le stress, l’hérédité et l’âge sont identifiés comme étant des causes évidentes.

Cependant, dans 80% des cas une hypertension artérielle qui est essentielle et qui n’a pas de cause évidente, qui est une dégénérescence des artères. Ça commence à l’âge de 35, 40, 50 ans chez 25 à 35 pourcents de la population africaine. Si on commence à traiter l’hypertension artérielle à ce stade on peut limiter ses dégâts qui sont les accidents vasculaires cérébraux, les crises cardiaques, les insuffisances rénales, la démence vasculaire et les troubles du rythme cardiaque.

Les traitements

Les traitements de l’hypertension artérielle dépendent du chiffre de la tension, qui est divisé en quatre niveaux :

Niveau 1, quand la tension n’est pas aussi sévère avec aucun facteur de risque associé, 14/8 ou 14/9, on peut ne pas donner un traitement médicamenteux mais des conseils pour une limitation du sel de 4 à 5g/Jour et faire une activité physique quotidienne, réduire son poids, arrêter le tabac, avoir une vie moins sédentaire, diminuer le stress professionnel. Si on arrive à juguler l’hypertension artérielle tant mieux sinon on passe à la phase thérapeutique.

La phase Thérapeutique

Elle est constituée de 5 à 6 classes.

Les diurétiques : les médicaments qui augmentent les urines.

Les inhibiteurs caciques qui dilatent les artères et diminuent la pression

Les inhibiteurs des enzymes de conversion agissent sur les causes de l’hypertension artérielle ; qui sont de loin les plus efficaces.

Les bétabloquants agissent sur le système adrénergique pour ralentir la fréquence cardiaque.

Il y a aussi d’autres médicaments qui sont moins fréquents et les moins efficaces qui sont les anti-hypertenseurs centraux recommandés uniquement pour les femmes enceintes.

Chaque malade a son profil particulier, ceux qui ont la tachycardie (une fréquence cardiaque accélérée) sont traités par les béta bloquants, chez les noirs africains les inhibiteurs sont plus adaptés et chez les personnes âgées les anti-cacique.

Le pacemaker

Est une batterie qui donne des pulsations électriques aux ventricules, généralement le ventricule droit, qui vont engendrer une contraction myocardique qui est l’entrainement électro-systolique et ça remplace le nœud sinusal quand il n’y a pas d’activité, donc le malade atteint de ce bloc n’a plus de fréquence cardiaque provoquée par le corps humain qui est défectueux au niveau de la zone de commande.

Ça aussi c’est une complication dégénérative en rapport avec l’hypertension artérielle qui répétée donne une bradycardie (un ralentissement de la fréquence cardiaque) qui aboutit à des syncopes à répétition, puis à un arrêt cardiaque, une mort subite, et un accident traumatique grave.

Il faut donc remplacer la commande cardiaque par une batterie électrique qui va donner les pulsations nécessaires, rendre le cœur plus rapide.

Les symptômes cardiovasculaires les plus courants sont :

La douleur thoracique qu’on ressent au niveau de la partie centrale, qui est dans 50 pourcents des cas est liée à un angor (qui est un défaut de perfusion du muscle cardiaque) qui va nécessiter une intervention urgente dans le pire des cas pour déboucher une artère coronaire quand elle est bouchée par un caillot de sang.

Les problèmes respiratoires

On respire sans s’en rendre compte, mais quand on commence à avoir des difficultés à respirer on sent un manque d’air, on est essoufflé.

Les palpitations

Le cœur fait ses battements sans qu’on le sente, si c’est le cas c’est soit une accélération (une tachycardie) ou un ralentissement (une bradycardie), on doit aller consulter un médecin. Il y a aussi les œdèmes des membres inférieurs qui peuvent aussi être causées par d’autres pathologies.

Prévention des maladies cardiovasculaires

Pour éviter les maladies cardiovasculaires qui sont deuxième et du troisième âge, il faut avoir une activité physique régulière dès l’enfance avec une heure de sport à partir de l’école primaire, au collège aussi. Le fait de commencé le sport très tôt réduit les risques de développer les problèmes cardiovasculaires plus tard. Malheureusement il est à la mode de laisser son enfant avec les jeux vidéo, qui le pousse à rester assis pendant des heures sans faire une activité physique. Ce qui pourrait entrainer des maladies comme le diabète, l’hypertension et d’autres types de maladies cardiovasculaires dans les 20 et 30 prochaines années. Le combat doit commencer avec les enfants en les encourageant à faire du sport, à avoir une alimentation saine, d’éviter les fromages, les « fast Food », les sucreries, la viande et manger des fruits et des légumes. Le tabac doit être proscrit à l’adolescence et le sport favorisé.

Vers 45 à 50 ans il faut faire moins d’activité physique intense, la marche peut suffire, avec un minimum de 30 minutes par jour. Une activité d’endurance deux fois par semaine dans des salles de sport.

Il faut faire aussi un examen complet tous les ans pour savoir si on ne développe pas de pathologie comme le diabète ou l’hypertension artérielle.

Les maladies cardiovasculaires et la covid-19

La pneumopathie covid-19 touche l’appareil respiratoire, l’insuffisance cardiaque limite nos capacités respiratoire, le malade cardiaque est plus éprouvé ce qui rend plus élevé le taux de mortalité chez eux.

La covid-19 favorise la thrombose qui est la formation de caillots au niveau des artères coronaires qui va aggraver une situation déjà précaire, augmenter la mortalité cardiovasculaire par une embolie pulmonaire, il est recommandé de traiter les risques de thrombose. Les malades cardiaques font parties des sujets à risque.

Programme de lutte contre les maladies cardiovasculaires

Au niveau du département de la santé il existe une direction chargée de lutter contre les maladies non transmissibles qui sont par excellences les maladies cardiovasculaires, le cancer, le diabète et les maladies respiratoires qui touchent un nombre important de la population. Des campagnes de sensibilisations sont menées pour lutter contre l’obésité, le tabac, par la prévention.

Le centre national de cardiologie a été crée pour lutter contre l’émergence des maladies cardiovasculaires. Depuis une vingtaine d’années le profil épidémiologique a changé, on ne meurt plus de tuberculose, d’infections ou d’épidémies, mais plutôt de maladies cardiovasculaires, de cancer et des accidents de la voie public. Pour répondre à ce nouveau fléau, le ministère de la santé a crée un centre de traumatologie pour soigner les accidentés, d’oncologie pour le traitement des cancers, et ce centre de cardiologie, afin de réduire la mortalité.

Equipement Technologique pour soigner les maladies cardiovasculaires

Notre centre est bien équipé par rapport à la sous-région, on fait tout ce qui est possible comme un pays en voie de développement, la chirurgie cardiaque, l’angioplastie primaire, je ne dis pas que nous sommes entièrement outillés, mais presque. Il nous manque de la chirurgie pédiatrique. On s’appuie sur des missionnaires pour former en 10 ans une équipe locale. Pour la chirurgie adulte, notre centre qui est un hôpital de 100 lits prend en charge entièrement les malades.

Taux de prévalence et de léthalité

Il y a une étude réalisée en 2006 pour sa première phase place l’hypertension artérielle en tête avec un taux de 27 pourcents de la population, les fumeurs sont de 18 pourcents chez les hommes et 8 pourcents chez les femmes, l’obésité est de 30 pourcents chez les femmes et 10 pourcents chez les hommes.

Au niveau de la mortalité hospitalière, les maladies cardiovasculaires ont le plus fort taux, notre centre déplore une mortalité de 15 pourcents.

Zeinabou Ba et Ibrahim Cissé

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