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Crise sécuritaire et institutionnelle en Mauritanie : L’urgence d’une réponse d’État

La Mauritanie traverse aujourd’hui une double crise – sécuritaire et institutionnelle – d’une gravité inquiétante. D’un côté, la société est confrontée à des plans criminels d’une rare violence, ciblant délibérément ses franges les plus vulnérables ; de l’autre, les institutions, et en particulier le Parlement, sont minées par des pratiques qui sapent leur légitimité et aggravent les fractures sociales.

Une affaire glaçante révélatrice d’un malaise profond

Les récentes révélations de Mohamed Mboud, dont les aveux ont sidéré l’opinion publique, ont mis au jour un système criminel organisé.

Se présentant comme un simple exécutant agissant sous la menace et la pression d’ordres supérieurs, il aurait participé à des actes d’une brutalité inouïe : il se faisait passer pour chauffeur de taxi, piégeait des victimes – en majorité issues de la communauté beïdane, tout en rappelant que certains Haratines « blancs » partagent les mêmes traits visibles – puis les livrait à un réseau complice pour séquestration, tortures et imputations mensongères.

Ces actes barbares, s’ils étaient avérés, constitueraient non seulement des crimes d’une exceptionnelle gravité, mais aussi un symptôme alarmant d’une société où certaines lignes rouges morales et humaines sont désormais franchies avec une inquiétante facilité.

Reste à savoir si les autorités judiciaires auront le courage et l’indépendance nécessaires pour traiter ce dossier avec le sérieux qu’il mérite. L’histoire récente nous a malheureusement habitués à voir des affaires étouffées, les victimes abandonnées, et l’impunité triompher. Le pays ne peut se permettre un tel scénario à nouveau.

Parlement discrédité : entre compromission morale et dérive ethnique

En parallèle, une crise institutionnelle majeure mine la crédibilité du Parlement. Des accusations récurrentes font état de trafic d’influence, d’enrichissement personnel et d’un usage frauduleux de l’humanitaire à des fins personnelles : détournement de fonds internationaux, exploitation de causes nobles pour obtenir des visas vers l’Europe ou les États-Unis au bénéfice de proches.

Plus grave encore, certains élus se livreraient à des discours ouvertement racistes, ciblant systématiquement des personnalités politiques beïdanes par des propos haineux, injurieux et vulgaires.

Cette rhétorique délétère agit comme un catalyseur de violences intercommunautaires : agressions au couteau, viols, campagnes de harcèlement. Des jeunes, parfois sans maturité ni recul, sont embrigadés dans cette spirale de haine, manipulés dans un projet qui vise à fracturer la société mauritanienne de manière durable.

Le silence de l’État : une abdication inquiétante

Face à ces dérives, l’inaction de l’État devient problématique. Tolérer de telles pratiques revient non seulement à trahir les valeurs de justice et de cohésion nationale, mais aussi à détourner l’attention des véritables défis structurels : éducation, emploi, réforme de la justice, gouvernance.

Pire encore, ce silence officiel pourrait être interprété comme un feu vert donné à l’extrémisme, à la manipulation ethnique et à la criminalité organisée, ouvrant la voie à une déstabilisation progressive de l’État-nation.

Un tournant géopolitique qui exige lucidité et courage

Ce qui rend la situation encore plus préoccupante, c’est que la conjoncture régionale et internationale est en pleine mutation. Certains pays arabes ont désormais noué des alliances stratégiques avec Israël qui vont bien au-delà de la coopération traditionnelle, transformant les équilibres diplomatiques. La sous-région sahélo-saharienne, perçue comme un enjeu géopolitique majeur, est soumise à de fortes pressions extérieures.

Dans ce contexte, nos dirigeants ont la responsabilité historique de sortir du confort du silence, d’affronter les défis internes avec lucidité et courage, et d’assumer un leadership fondé sur l’unité nationale, la justice et la vérité. La confiance des citoyens ne se restaurera que par des actes forts et sincères.

En conclusion

La Mauritanie est à la croisée des chemins. Les crises sécuritaire et institutionnelle qui s’entrecroisent aujourd’hui appellent une réponse étatique globale, rapide et déterminée. Il s’agit de démanteler sans complaisance les réseaux criminels, de protéger les victimes, mais aussi de moraliser la vie publique et de refonder les institutions sur des bases éthiques et républicaines.

La crédibilité de l’État se mesure à sa capacité à se montrer à la hauteur de ce double défi. L’histoire ne pardonnera pas à ceux qui, par calcul ou par lâcheté, auront laissé les divisions, la corruption et la violence menacer le vivre-ensemble mauritanien.

Eleya Mohamed

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