Mauritanie : « Sans transfusions sanguines, pas de santé maternelle de qualité »

AFD – À Nouakchott, le nouveau Centre national de transfusion sanguine marque un tournant dans la lutte contre la mortalité maternelle. Alors que les hémorragies post-partum restent la première cause de décès chez les femmes, l’accès au sang est une priorité sanitaire absolue. Avec le soutien de l’AFD, la Mauritanie modernise son système de santé pour protéger plus de femmes, et leurs enfants.
À Nouakchott, la première pierre du nouveau Centre national de transfusion sanguine (CNTS) est posée. Elle n’a pas seulement marqué le lancement d’un chantier : c’est le signal d’un engagement concret pour la santé maternelle.
Les complications à l’accouchement sont fréquentes, et lorsqu’elles surviennent, la disponibilité en sang fait souvent la différence : en 2023, la Mauritanie enregistrait encore 381 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes – loin de la cible de 70 fixée par les Nations unies à horizon 2030.
Dans la majorité des cas, l’hémorragie du post-partum est en cause. Pourtant, le sang qui pourrait sauver ces femmes reste trop souvent absent des réserves hospitalières.
Une priorité nationale de longue date
Face à cette réalité, le pays a fait de la santé maternelle une cause nationale. Depuis la fin des années 1990, la Mauritanie a initié des politiques ambitieuses pour protéger les mères à travers le programme « Maternité sans risque dans la wilaya de Nouakchott ».
L’une de ces politiques les plus emblématiques concerne le forfait obstétrical, mis en place en 2002 dans la capitale. En levant les barrières financières à l’accouchement, ce dispositif a permis à des milliers de femmes d’accéder aux soins.
Avec un appui solide de la coopération française, ce projet a essaimé dans plusieurs régions du pays, jusqu’à ce que le ministère de la Santé mauritanien décide d’en faire une politique de santé publique.
Parmi les actrices de ce changement, Fatimetou Moulaye, coordinatrice du Programme national de santé de la reproduction qu’elle a intégré en 1996, témoigne : « Il y a eu une vraie prise de conscience institutionnelle. » Aujourd’hui, ce forfait est intégré dans une réflexion plus large sur la couverture sanitaire universelle, avec une part croissante des coûts prise en charge par l’État mauritanien, réduisant ainsi la charge financière pesant sur les femmes.
L’AFD, un partenaire sur la durée
En soutien à cette dynamique, le groupe AFD s’est engagé comme un acteur de la transformation. Il soutient depuis plus de vingt ans les efforts du pays pour améliorer la santé maternelle. Il a accompagné l’extension du forfait obstétrical entre 2008 et 2017, finançant trois projets qui ont permis d’étendre ce dispositif à presque toutes les capitales régionales.
Il a soutenu une stratégie globale pragmatique : formation des personnels, modernisation des structures, mise à disposition de matériel d’échographie, accès aux médicaments essentiels… Avec des résultats probants : le taux d’accouchements assistés est passé de 54 % en 2000 à 66 % en 2011, tandis que la fréquentation des structures de santé a doublé dans les zones couvertes par le forfait.
Le défi est aussi logistique dans un pays avec près de 30 % de sa population concentrée dans la capitale et un territoire vaste et dispersé. Le soutien de l’AFD a cependant permis d’équiper le Centre régional de transfusion sanguine de Kiffa. Le docteur Khadijetou Ba, actuelle directrice du CNTS, rappelle : « Une femme qui accouche à Néma ou à Atar a autant besoin de sang qu’à Nouakchott. »
Un centre pour changer la donne
« En 2017, lorsque j’ai pris la direction du CNTS, j’ai découvert une structure à bout de souffle, incapable de répondre à la demande croissante », raconte le docteur Khadijetou Ba. Consciente de l’urgence, elle pilote alors, avec l’appui de l’OMS, l’élaboration d’un plan national ambitieux pour réformer et moderniser le système de transfusion. Il fallait ensuite un partenaire capable de transformer cette vision en réalité. Le groupe AFD a été le premier à répondre présent.
Son appui s’est traduit par la formation de personnels spécialisés, l’acquisition d’équipements modernes et la définition d’un cadre stratégique cohérent avec les priorités sanitaires nationales. Le nouveau CNTS permettra de tripler la capacité annuelle de collecte, aujourd’hui comprise entre 12 000 et 18 000 poches, avec pour objectif l’autosuffisance transfusionnelle.
Cette cible, qui demande un taux de donneurs compris entre 1 et 2 % de la population du pays, correspond à environ 50 000 à 100 000 poches par an, en ligne avec les recommandations de l’OMS. Ce nouveau centre permet à lui seul d’y contribuer largement : l’ancienne infrastructure limitait la capacité de collecte.
Désormais, la capacité de traitement et de stockage est démultipliée, les analyses sont automatisées, l’accueil des donneurs amélioré, et le personnel est mieux formé – aussi bien au CNTS que dans des hôpitaux de la région.
Un pas de plus vers les Objectifs de développement durable
Ce projet s’inscrit dans une ambition globale pour laquelle la Mauritanie est engagée : réduire la mortalité maternelle d’ici 2030, conformément à l’Objectif de développement durable 3.1.
Plus qu’une infrastructure, ce nouveau centre est un levier essentiel pour permettre un jour à chaque femme, où qu’elle vive en Mauritanie, d’accoucher dans des conditions sûres. Cela implique des structures accessibles, un personnel formé, des médicaments disponibles, des laboratoires fonctionnels – et surtout du sang, beaucoup de sang.