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770 milliards flambés, pour quel impact ?

770 milliards d’ouguiyas dépensés par le gouvernement au profit des couches les plus défavorisées. Ce chiffre que vient d’annoncer le président d’Insaf donne tout simplement le vertige.

Mais d’où viennent ces 770 milliards ? Si on considère que les 50 milliards annuels de Taazur ont été intégralement alloués aux couches vulnérables, en retranchant 30% correspondants aux coûts de transaction relativement élevés et aux dépenses de fonctionnement tout aussi élevées, on obtient 175 milliards sur cinq ans.

D’où vient donc le reliquat de 595 milliards ? Même en comptabilisant les interventions du CSA (Commissariat à la sécurité alimentaire) et toutes les dépenses des ministères comme la santé et l’éducation, qui ne ciblent pas nécessairement les plus pauvres, on est toujours loin du compte.

Et comment ces 770 milliards ont été dépensés est une question encore plus brûlante, surtout qu’il s’agit d’un montant astronomique qui ne saurait passer inaperçu ? Concrètement, les citoyens n’ont pas vu les réalisations tangibles dont se targuent les officiels aux discours teintés d’auto-satisfaction.

Rien ou très peu a changé dans le pays, à l’intérieur comme dans les grandes villes, où les populations croupissent dans le dénuement le plus total, continuant de survivre, sans accès aux services de base et sans infrastructures, de lutter pour obtenir de l’eau potable, au moment où des milliers de jeunes tentent d’escalader le mur, au péril de leur vie…

Dans les faits, le petit peuple continue de faire les frais de la négligence et du désintérêt des dirigeants, qui ne semblent s’y intéresser que le temps des campagnes électorales, distribuant quelques menus faveurs pour acheter des voix.

En revanche, ce qui a changé de manière significative est le nombre croissant de fonctionnaires et de politiques devenus millionnaires, faisant étalage de manière ostentatoire de leurs fortunes mal acquises…Ce qui a changé aussi est le nombre impressionnant de villas cossues à Tevragh Zeina, le nombre d’appartements et de résidences secondaires à Las Palmas, Paris, Istanbul, Dubai, au Maroc et en Tunisie…

Bref, il ne suffit pas de proclamer avoir dépensé 770 milliards d’ouguiyas au profit des couches les plus vulnérables, encore faut-il en apporter la preuve, à travers des statistiques et des sources fiables et incontestables et surtout des résultats concrets, sur la base d’indicateurs mesurables, car le plus important n’est pas combien a été dépensé mais l’impact réel de ce qui a été investi sur la vie des citoyens.

Car on peut dépenser bien plus que ce qui a été annoncé, avec un impact zéro, si on ne l’investît pas dans les priorités vitales. Et la question qui reste posée est la suivante : comment peut on dépenser autant de ressources en si peu de temps sans avoir d’impact significatif sur les indicateurs sociaux qui sont restés au même niveau ?

Pourquoi le taux de pauvreté n’a pas diminué ? Pourquoi les taux de mortalité infantile et maternelle sont-ils restés parmi les plus élevés de la région ? Pourquoi le taux de raccordement à l’eau et à l’électricité n’a pas évolué ? Pourquoi le taux de couverture de santé ne s’est pas amélioré ? Pour ne citer que ceux-là…

Mohamed El Mounir
Docteur en science politique
Ancien fonctionnaire des Nations Unies

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