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La Banque Centrale de Mauritanie, aux prises avec le désordre monétaire / Maître Taleb Khyar o/ Mohamed Mouloud

La seule hypothèse examinée dans le cadre du présent article, est celle où la Banque Centrale opte pour une politique monétaire visant à maîtriser les tensions inflationnistes, occasionnées par le niveau général des prix qui ne cessent d’augmenter sous l’effet persistant de la crise du coronavirus, aussi bien en Mauritanie que partout ailleurs dans le reste du monde.

L’objectif ainsi recherché, qui vise donc à la maîtrise de l’inflation, passe par une action sur la masse monétaire en circulation, visant prioritairement la capacité des banques à créer de la monnaie via les crédits qu’elles accordent aux agents économiques.

En effet, chaque fois qu’une banque accorde un crédit à un client, elle crée de la monnaie par simple jeu d’écritures, sans ponctionner dans ses réserves pour opérer le prêt en question ; cette monnaie nouvellement créée se dit monnaie scripturale ; le prêt ainsi accordé vient accroître la masse monétaire d’une quantité qui n’est détruite que lorsque le prêt est remboursé, mais entre-temps, le niveau général des prix aura augmenté dans des proportions identiques à la valeur du prêt accordé, et cet effet se poursuivra aussi longtemps que le prêt n’aura pas été remboursé*.

Pour agir sur la masse monétaire créée par les crédits bancaires, la Banque Centrale dispose, comme ses pairs du reste, de plusieurs leviers connus sous le terme de taux directeurs, dont le plus puissant est le taux d’escompte, défini comme étant le taux que les banques doivent payer lorsqu’elles empruntent des liquidités à la Banque Centrale ; plus le taux d’escompte est élevé, et plus il est coûteux pour les banques d’emprunter auprès de la Banque Centrale, et moins elles ont recours à cette modalité de refinancement, et sont davantage enclines à restreindre l’accès au crédit, d’où une réduction de la création de monnaie, et donc une baisse du niveau des prix ; en cas de réduction du taux d’escompte, les banques se refinancent plus favorablement auprès de la Banque Centrale, et sont donc dans de meilleures dispositions pour accorder des crédits , occasionnant de la sorte un accroissement de la masse monétaire et une hausse des prix.

C’est ainsi que la décision de la Banque Centrale annonçant une hausse du taux d’escompte a été accueillie avec soulagement (voir à ce propos l’article publié par l’auteur en date du 1/9/2022 sur CRIDEM sous le titre « L’inflation ! Une fatalité ? (3) » ; on s’attendait à ce que dans un délai prévisible (un à trois mois) l’inflation soit maîtrisée, le niveau des prix stabilisé, étant entendu par ailleurs que le choix par la Banque Centrale d’agir sur le niveau des prix par le biais du taux d’escompte exprimait en soi, une preuve évidente du caractère proprement financier de la crise. Or, avant que l’opinion ne soit éclairée sur l’évaluation par la Banque Centrale de sa politique de restriction monétaire, la voilà qui revient en force pour dicter de nouvelles règles prudentielles prévoyant une amélioration du niveau des fonds propres exigés des banques , exprimant de la sorte une inquiétude sur leur solvabilité.

Par ailleurs, la généralisation de la mesure relative à l’amélioration des capitaux propres, montre que le mal affecte la solidité financière du système bancaire dans son ensemble, rendant probable, ou tout au moins du domaine des possibles, la survenance prochaine d’une crise de défiance et de liquidité généralisée.

En effet, si nous étions seulement dans une crise financière au sens propre, l’action sur le taux d’escompte aurait suffi à contenir l’inflation, peut-être pas avec la même efficacité que dans des pays où il existe des marchés financiers, mais cela aurait sans doute atténué dans une proportion non négligeable, les effets inflationnistes redoutés.

On peut donc valablement considérer que le remède monétaire à la pression inflationniste par le seul accroissement du taux d’escompte est insuffisant pour stabiliser les prix.

Il est dès lors légitime de s’interroger sur l’existence d’autres mécanismes de transmission de la politique monétaire choisie par la Banque Centrale, pour remédier à l’inflation. (à suivre)

*Avocat à la Cour.

*Ancien membre du Conseil de l’Ordre.

*Cette règle devrait être intégrée par les mauvais débiteurs, pour qu’ils se rendent compte du préjudice que cause leur comportement, non seulement aux banques, mais aussi au développement de l’économie dont le financement se fait par les banques.

En zone euro, 93% de la masse monétaire est créée par l’émission de crédits ouverts par les banques commerciales, ce qui est révélateur de l’importance de la bancarisation dans une distribution vertueuse du crédit, au service de la croissance et du développement de l’économie.

La bancarisation permet aux banques de capter l’épargne nationale pour financer les projets des ménages et des entreprises, alors que dans les pays où la population est faiblement bancarisée, on assiste à une thésaurisation sous forme liquide de l’épargne, dont l’investissement s’il a lieu, va porter exclusivement sur des biens patrimoniaux, révélant de la sorte une forte corrélation de l’investissement réalisé avec les intérêts de la famille de l’épargnant, ou de son réseau de contacts, ce qui constitue un frein au développement économique.

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