Au rythme actuel, la Mauritanie n’obtiendrait le statut de pays à revenu intermédiaire que dans un siècle, Dixit un rapport de la Banque Mondiale

Un rapport de la Banque Mondiale rendu publique ce matin à Nouakchott met en exergue les obstacles du décollage économique.
La présentation du rapport a été faite en présence du ministre mauritanien de l’économie, des représentants résidents de la Banque Mondiale et du FMI en plus de représentants du corps diplomatique et de certains secteurs gouvernementaux.
Le rapport 2025 portant sur la croissance et l’emploi présenté par Vanessa, du Bureau de la Banque Mondiale à Nouakchott est intitulé : « Au-delà des industries extractives : libérer le potentiel de la Mauritanie pour une croissance durable, inclusive et résiliente ».
Pour Ibou Diouf responsable des opérations de la Banque mondiale pour la Mauritanie ce rapport est un travail analytique fouillé visant à accompagner la Mauritanie dans la diversification de son économie.
Et d’ajouter qu’il ouvre des pistes intéressantes à un moment où le pays entre dans une nouvelle dynamique pour batir une économie durable, inclusive et résiliente.
Et pour Abdallahi Ould Souleimane Ould Cheikh Sidiya, ministre mauritanien de l’économie et du développement, ce rapport constitue une source de données inestimable et aidera à concevoir les politiques de planification du développement.
Les défis du développement à relever
Selon ce rapport, la voie de développement de la Mauritanie, axée principalement sur l’extraction minière, a atteint ses limites.
Ainsi, malgré une main d’œuvre jeune en pleine croissance et un potentiel inexploité chez les femmes, les avantages du développement fondé sur les ressources n’ont pas bénéficié à la majorité de la population. Une petite fraction de celle-ci ayant accès à des emplois productifs offrant des moyens de subsistance durable, au-delà des industries minières et connexes.
De ce fait, la Mauritanie doit relever 4 défis persistants pour réaliser ses ambitions de développement et s’engager sur la voie d’une croissance plus forte et de la création d’emplois.
Premièrement la faiblesse de la demande de main d’œuvre dans les secteurs productifs et le faible taux d’activité, en particulier chez les femmes et les jeunes ; deuxièmement la faible croissance de la productivité qui limite les revenus du travail et la diversification économique ; troisièmement l’investissement limité dans les secteurs non extractifs qui se traduit par un développement insuffisant du secteur privé ; quatrièmement la forte volatilité de la croissance et des recettes, exacerbée par les risques climatiques et la dépendance vis-à-vis des matières premières.
Selon le rapport, ces défis trouvent leur origine dans la faiblesse des infrastructures de base (y compris le capital humain et numérique) ; les insuffisances de la réglementation et l’empreinte excessive de l’Etat qui affectent la concurrence, l’accès à la terre, la politique budgétaire et la dynamique du marché du travail. On note aussi le dynamisme limité du secteur privé.
L’exemple donné par la présentatrice du rapport de cet entrepreneur local qui peine à recruter un personnel qualifié est édifiant à cet égard.
Aussi la Mauritanie occupe la 133ème place sur 143 dans le classement concernant l’Etat de droit.
Si la Mauritanie ne relève pas ces défis et ne diversifie pas son économie il lui faudrait un siècle pour atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire supérieur avec un revenu national brut (RNB) par habitant de plus de 4 496.
A noter qu’actuellement en dehors de la Mauritanie et du Soudan tous les 5 autres pays d’Afrique du Nord sont des pays à revenus intermédiaires.
Nécessité de réformes appropriées
Mais malgré tous ces problèmes note le rapport, un ensemble complet et réalisable de réformes peut stimuler la création d’emplois et ouvrir la voie à une croissance diversifiée, résiliente et inclusive, afin d’atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire supérieur (PRIS) d’ici 2050.
Ces réformes s’articulent autour de 3 piliers principaux. D’abord l’établissement d’une base solide en matière de capital physique, humain et naturel ; ensuite la création d’un environnement réglementaire prévisible et enfin la promotion d’un secteur privé dynamique, qui favorisera la création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité dans les secteurs non extractifs tels que l’énergie, l’agroalimentaire et le tourisme.
Le renforcement des infrastructures de base passera par la modernisation des systèmes de paiement, l’augmentation des investissements dans l’éducation de la petite enfance, la promotion de la participation des femmes au marché du travail et l’augmentation des ressources fiscales consacrées aux investissements dans l’adaptation aux changements climatiques.
Ces réformes doivent aboutir à la création d’une agence indépendante de lutte contre la corruption, la révision du Code du Travail de 2004, la mise en œuvre du système électronique de gestion foncière et l’application de la nouvelle loi sur la concurrence.
La Mauritanie a le potentiel qu’il faut et peut débloquer d’importantes opportunités de développement sectoriel avec notamment le développement du secteur agro-alimentaire, la valorisation de l’industrie touristique et la transformation des services numériques.
Ce n’est que avec ces réformes soigneusement séquencées et pleinement mises en œuvre que la Mauritanie pourrait atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire supérieur d’ici 2050.
Bakari Gueye




