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Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République Son Excellence Mohamed Cheikh El Ghazouani

Au moment où vous vous apprêtez à fouler le sol de la Moughataa de Boghéoù nous vous souhaitons la bienvenue pour avoir levé un grand paradoxe à savoir l’alimentation de la ville de Boghé jouxtant le fleuve, en eau potable.

Vous apportez ainsi une solution à un problème de santé publique ; des affections néphrétiques consécutives à la consommation d’une eau salée et carbonatée qui ont subi au niveau de sa nappe phréatique l’infiltration d’engrais pendant quatre décennies.

Son Excellence, de quoi Boghé pourrait-elle être fautive pour mériter ce sort ? Elle qui s’est illustrée par sa dimension historique, son apport culturel, sa partition intellectuelle dans la construction du pays, le sacrifice de ses fils pour l’existence de ce pays, son havre de paix et de tolérance où vivent en parfaite symbiose toutes les composantes de ce pays.

Elle a été et est une incarnation de la Mauritanie plurielle soucieuse de la préservation de son unité nationale et de sa cohésion sociale auxquelles nous sommes tant attachées. Nos alliances séculaires avec les Jejouba et les Oulad Ahmed sont, si besoin est, la preuve d’un patrimoine relationnel jalousement entretenu.

Le Brakna, sensu lato, a été, par le commerce caravanier, le grenier du grand Nord Mauritanie, l’Adrar via le Tagant, avec lequel nous partageons des liens confrériques.

De l’indépendance à nos jours, notre ville est délaissée, à elle-même, en rade, amorphe, amnésique, exsangue, stationnaire, méconnue…

Et pourtant, c’est une ville qui n’a rien à envier à Rosso, Kaédi, Sélibaby pour ne parler que des villes de la vallée du fleuve. De par sa position stratégique, frontalière avec le Sénégal, ses plaines agricoles (plus de 6000 ha), ses pâturages à Cenchrisbiflorus et Tribilusterrestris (les meilleurs du pays) sa configuration carrefour de grands axes routiers, sa démographie notre département n’arrive pas à être érigé en capitale de wilaya.

Son Excellence certaines de nos populations sont découragées par l’enrôlement qui les prive de leurs droits civiques élémentaires (éducation, santé, élection, déplacement etc…). En définitive, elles se sont résignés alors que l’état civil est un droit universel et inaliénable.

Que feriez-vous pour vos populations apatrides ?

Finalement, ces populations se suffisent à l’embonpoint de leurs animaux et à leurs productions agricoles plutôt qu’affronter ce parcours de combattant. Il doit revenir à l’Etat d’aller recenser les omis du recensement afin de leur établir des papiers d’état civil et de les rétablir dans leur citoyenneté et leur dignité.

Son Excellence, comment expliquer qu’après la construction de notre hôpital pour un coût très élevé (845.873.487 UM) et au moment où nous nous attendions à la mutation de spécialistes pour les besoins vitaux (pédiatre, cardiologue, dermatologue, chirurgiens) et l’équipement d’un plateau médical adéquat (radio numérique et scanner), les traumatismes sont filmés à partir des téléphones portables des patients ?

Son Excellence, la plupart de nos écoles fondamentales sont à cycle incomplet et souffrent de multigrade ; il y en a qui partagent les mêmes locaux que les établissements du secondaire (cas du lycée de Touldé).

Son Excellence, Boghé continue à vivre l’enclavement,durant chaque hivernage le village de Thienel est isolé du reste des localités pour au moins trois mois. Aujourd’hui les populations se sont cotisées pour 15 Millions de MRO. Quel sera l’apport de l’Etat pour la construction d’un pont de désenclavement ?

Dans le cadre du transfrontalier pourrait-on espérer l’acquisition d’un bac pour faciliter la mobilité sur la rive gauche ? Ce bac pourrait générer d’importantes recettes pour la commune et être un vecteur de développement d’infrastructures,épine dorsale du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD). En réalité, le fleuve Sénégal unit plus qu’il ne divise.

Ce bac sera en phase avec la construction du pont de Rosso, maillon complétant l’intégrité de la transcontinentale permettant de relier l’Afrique du Nord (Algérie et Maroc) à l’Afrique au Sud du Sahara pour laquelle vous méritez des félicitations.

Son Excellence, comment colmater le gap relationnel, la fracture communicationnelle dès l’instant où toutes nos communications se font par des radios communautaires étrangères ? A quand l’érection de Radio Doubanguo ?

Son Excellence, notre Grande Mosquée, symbole de notre fierté religieuse, cabale de nos dévots, Agora de nos sages, repère de notre mémoire spirituelle, est en état de délabrement avancé. De bonnes intentions et de bonnes volontés s’affichent pourtant çà et là pour de menus colmatages. Nous sommes convaincus que vous ne ménagerez aucun effort pour sa restauration.

Oui son Excellence, un problème de santé publique, avec le paludisme endémique (25 % des motifs de consultation dans nos structures sanitaires), touche cette ville prise en sandwich par le fleuve, le marigot de Djinthiou et la plaine rizicole. Le Projet de Développement Intégré de Djinthiou (PDID), projet à cinq composantes (Assainissement, Désenclavement, Pisciculture, Lutte biologique, Ecotourisme)pourrait apporter une solution à travers une lutte biologique inédite contre ce fléau, véritable facteur limitant pour le développement du monde rural.

Ce projet peut également constituer une activité génératrice de revenus (AGR) pour les femmes veuves, femmes célibataires, femmes cheffes de ménage qui luttent journellement pour leur émancipation, leur promotion,leur autonomisation sans lesquelles il n’y a pas de développement. Ces AGR devraient être accompagnées d’équipements en chaine de froid et en unités de transformation.

Son Excellence, l’Administration mérite de se dédouaner dès l’instant où les « gazreurs » des terres de polyculture du CPB reconnaissent n’avoir aucun droit sur les terres qu’ils occupent et attendent l’ordre de l’Etat pour les remettre aux ayants droit.

Son Excellence, il urge de mettre fin au conflit récurrent entre agriculteurs et éleveurs et ceci passe inéluctablement par l’organisation du terroir et la protection des végétaux, protection pour laquelle les paysans souhaitent hâtivement l’achèvement de son installation.

Son Excellence et la Jeunesse ? Jeunesse dont disait le Père de la Nation et je cite : « La Mauritanie sera ce qu’en fera sa jeunesse ». Par extension et par transversalité, le problème,des jeunes reste entier sur toute l’étendue du territoire.

Le chômage des jeunes : 800000 jeunes âgés de 25 ans qui attendent du boulot dont seulement 5% ayant subi de formation, L’insertion, l’émigration clandestine, l’utilisation d’hallucinogènes (drogue) etc. sont autant de problèmes auxquels les jeunes sont confrontés.

Son Excellence, nous vous remercions et vous félicitons d’avoir béni et parrainé ce partenariat entre notre GIE, le GIE DYNN ( DentalYaakaareeNdema e Ngaynaaka) et African Agriculture (AA) pour un investissement de 30 Millions de Dollar qui sera une source d’emploi, de formation et d’insertion pour nos jeunes et nos femmes.

Son Excellence, je profite de l’occasion pour vous supplier de dialoguer avec cette population carcérale juvénile pour lui donner une seconde chance en lui offrant l’opportunité de travailler dans les exploitations agricoles avec son libre consentement et en fonction de sa capacité, ses compétences et de sa prédilection. En réalité, le coût de sa prise en charge dans les prisons peut financer plusieurs campagnes agricoles.

Son Excellence, pour revenir à Boghé, au plan sportif, un stade a été construit mais dans une zone de marécage qui empêche d’organiser des compétitions pendant l’hivernage ; il serait judicieux, pour ne pas perdre cet édifice, d’équiper le terrain de football en tapis synthétique gazonné.

Son Excellence, nous voudrions d’une ville moderne avec un réseau hydraulique et électrique issu du fleuve couvrant tout le département. Il s’agirait d’une ville gazonnée, riante, fleurie, plantée d’innombrables palmiers et tracée de routes goudronnées en éclairage publique.

Son Excellence, nous vous félicitons pour la sélection de notre pays au Millenium Challenge American (MCA) et le financement de 500 Millions de Dollars pour la croissance socio-économique et la lutte contre la pauvreté.

Dans ce cadre, le problème de l’attribution des 800 parcelles retient le souffle des populations autochtones car parmi les bénéficiaires, il y a certains hommes d’affaires alors qu’ils ne remplissent pas les critères d’attribution : voisinage – sans terres – pauvreté. Ils ont donc bénéficié arbitrairement des parcelles.

Son Excellence, le Sud du pays attend de vous une discrimination positive en phase avec la stratégie de la croissance accélérée et de la prospérité partagée (SCAPP). Il s’agit, entre autres de : la construction d’un chemin de fer reliant Ndiago à Khabou, l’aménagement de toutes les terres de culture, l’exploitation des tourbes de keur Macene et des phosphates du triangle Boghé – Aleg – Loubeira, les prospections minières des éléments de la chaine des Mauritanides du Guidimakha, la navigabilité en toute saison de Saint-Louis à Kayes au moment où le pays s’attend d’avoir le vent en poupe avec les retombées économiques consécutives à l’exploitation du gaz et du pétrole off-shorre.

Son Excellence, votre intervention lors du sommet Afrique-Amérique sur le réchauffement climatique est pertinente d’autant plus que notre pays présente, par sa capitale, un véritable problème géomorphologique ; il est situé dans une dépression de -22 mètres IGN. En cas d’inondation que serait la Mauritanie sans Nouakchott ?

Carrefour des civilisations arabo-berbère et négro-africaine, notre pays est à l’intersection des deux plus grands déserts du monde, déserts en furie que sont le Sahara et l’Océan atlantique. L’océan est marqué par la rencontre entre les eaux chaudes d’origine guinéenne et les eaux froides d’origine canarienne.

Il y a urgence à sauvegarder notre environnement en endiguant l’avancée du désert par la Grande Muraille Verte (GMV) et à préserver nos ressources halieutiques au moment d’exploiter nos richesses énergétiques (gaz, pétrole off-shore).

Prions pour qu’Allah fasse de notre pays le meilleur au monde et le préserve jusqu’au jour de la résurrection.

Vive la Mauritanie

Alhousseynou Abdoulaye Sy

Professeur de Sciences de la Nature

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