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Impossible Justice … ou Justice Impossible… Par Me Oumar MOHAMED MOCTAR EL HAJ, Avocat

Il est bien évident que tout le monde doit être content de voir la loi appliquée à tout le monde. Il est bien évident qu’une application circonstancielle n’aboutirait qu’à dénuder, encore plus, l’autorité de la loi dans notre pays.

Nous voulons que l’argent, mais aussi les avantages publics, détournés depuis le 28 novembre 1960 à nos jours puissent bien retourner dans les caisses et au crédit de l’État avec dommages et intérêts si possible.

Nous voulons que toutes les nominations par complaisance dans les postes clés de l’administration publique qui doivent être pourvus sur par de profils académiques, techniques et moraux adaptés aux postes concernés, soient annulées, rétroactivement, si possible.

Ces nominations, à solde, pour des considérations contraires à l’intérêt public, sont à l’origine des détournements de tout ce qui est public ou privé. Ce sont ces nominations qui ont freiné le développement de notre pays et ont occasionné avec force et rapidité son dépeçage.

Nous voulons que les millions de marchés publics attribués aux parents, aux amis et à ceux qui payent des dessous de table soient rendus infructueux (à titre posthume, même des décennies après, la mort des marchés, des auteurs et des attributaires) et réattribués rétroactivement à ceux qui les ont mérités. Nous voulons que ces milliers d’inscription aux études supérieures à l’étranger, mais aussi à l’intérieur du pays et ces milliers de bourses d’études accordés aux étudiants sur des bases tribales, ethniques, ou contre corruption, soient annulés et réattribuées, rétroactivement, à ceux qui les ont mérité (mêmes s’ils ne sont plus de ce monde).

Nous voulons que ces centaines de milliers de parcelles de terrains attribuées, dans toutes les zones urbaines et rurales de nos villes, parfois par centaines et dizaines de lots, aux mêmes personnes ou a des prête-noms soient reprises et attribuées à qui de droit, selon des critères objectifs.

Nous voulons que ces sociétés publiques, ces banques, ces sociétés d’assurances, ces sociétés de pêches, ces bateaux de pêches, ces autorisations d’usine de farine de poisson (entier) Moka (qui ont sinistré les populations de Nouadhibou et de Nouakchott) ces autorisations d’exercer les métiers de bureau de change, d’agences de transfert d’argent, de transitaire, de n’importe quoi, vendus pour une ouguiya symbolique, soient repris par l’Etat ou revendus, rétroactivement, aux plus méritant, en respectant la règle du meilleur rapport qualité/coût et du meilleur impact sur le devenir du pays.

Nous voulons que les milliards d’ouguiyas donnés à cadre supérieurs et aux agents de la police, des douanes, à l’infirmier, au gardien d’une administration publique, d’un poste frontalier, sous la contrainte de subir les foudres et violences « légitimes » ou de ne pas accéder à son droit, soit restitués. Nous voulons que les millions d’heures de cours détournées, à tort, dans les écoles, les centres d’études, les universités, les tribunaux (avec un nombre d’audience annuel dérisoire en raison des reports systématique et de l’incapacité des tenants du pouvoir judiciaire de bien rédiger une décision de justice et encore moins de pouvoir l’exécuter) alors soient restitués ;

Nous voulons que les millions d’heures de travail, que les fonctionnaires publics (cadres supérieurs, personnel d’encadrement et agents de l’administration publique, des EPICs, des sociétés mixtes et des administrations locales, les députés, les ministres, les magistrats, les Chefs d’Etats passent en dehors des lieux de travail et investissent pour des objectifs qui n’ont aucune relation avec leurs missions et pendant les horaires d’embauche, soient comptabilisés, valorisés restitués à notre pays, à notre peuple, tyrannisé, martyrisé, déshumanisé.

Ces centaines de millions d’heures passés, très souvent, avec des amis, des proches ou des visiteurs inconnus à discuter du passé, de la politique, des hivernages, du passé glorieux de chacun et des ses ascendants (par rapports auxquels il est souvent très descendant), d’un passé, dont très peu de leçons ont été tirées, d’un présent que chacun contribue à rendre invivable, tout en accusant l’autre de cette basse œuvre, ou d’un avenir merveilleux que l’on aborde stoïquement en se déplaçant sur le ventre, soient comptabilisés, valorisés restitués à notre pays, à notre peuple.

Nous voulons…Nous voulons… Nous voulons… Qu’est-ce que nous ne voulons pas ? L’ex-président Aziz a peut être détourné l’argent public. Il ne l’a peut être pas détourné comme il l’a soutenu, publiquement, sur plus d’un média, en lançant un défi à ceux qui l’accusent d’apporter publiquement un bout de preuve aussi dérisoire soit-il. Il a peut être trempé dans les combines les plus incroyables et en a retiré de l’argent dont l’odeur n’est pas très agréable. Il prétend avoir gagné cet argent par des moyens autres que le détournement des deniers publics et l’abus de pouvoir. Ila bien dit que cet argent avait bien été déclaré lors de son accession au pouvoir et lors de son départ. Il l’a peut être gagné, par miracle, comme des milliers de mauritaniens qui n’avaient pas un seul sou, au moment de leur prise de fonction dans l’administration publique et qui se sont retrouvés, après quelques années à la tête de grandes fortunes, dont certaines sont colossales.

Les hauts fonctionnaires de l’Etat, les grands cadres de l’administration publique (affiliés aux pouvoir exécutif, judicaire et législatif) ont pris la place des anciens cheikhs, auxquels le commun des mortels propose cadeaux et offrandes pour se rapprocher d’ALLAH. Nos cheikhs modernes (civils ou militaires) rapprochent leurs disciples (très souvent indument) du pouvoir, de la fonction et du trésor publics. Les meilleurs d’entre eux ne puisent pas dans le budget qui est affecté à leurs structures. Ils ne vendent pas le service qui leur est confié, contre des payements directs. Non, ils ne font pas tout cela. Ils savent bien que l’Islam comme nos lois de la république criminalisent de tels agissements. Mais quand un usager vient s’enquérir d’un droit ou d’un non droit, avec un espoir affiché qu’il pourrait bien compter sur eux.

Ils s’abstiennent de le corriger, « en bon musulman » ils ne veulent pas décevoir son attente. Ils ne demandent, jamais, rien, directement. Mais ils ne refusent, jamais, les offrandes, les dons et subventions et peuvent même les susciter, en créant une familiarité prudente avec l’usager. Ainsi, « en bon fonctionnaires » et « en bon musulman » ils gagnent de l’argent, lentement, mais surement. Un argent « clean » qu’ils accumulent au fil du temps avec le concours de plusieurs petits fournisseurs, sans, jamais, rien donner, ni rien refuser. Ils trouvent la formule, relativement, Hallal et se réconfortent intérieurement, d’être trempé dix fois dans le paradis par rapport aux autres, à ceux qui n’ont pas de pudeur.

L’Ex-Président Aziz est peut être innocent. Je dirai même qu’il reste innocent jusqu’à preuve du contraire. Hors cette preuve tarde à venir. Il a de l’argent, nous a-t-on dit, beaucoup d’argent. Il a reconnu ALLAH seul sait. Mais il n’était pas seul. De part sa fonction de président il ne pouvait accéder à l’argent public qu’à travers les autres, les 317 coaccusés pour les 10 projets évoqués par la CEP, avant que le gouvernement ne les réduisent à 8, en soustrayant POLY HONG DONG et le terminal d’ARISE.

Il ne pouvait détourner l’argent public pendant toute cette décennie sans le concours des membres du gouvernement, des cadres et agents de l’administration, de ces hommes d’affaires qui rôdent comme des rapaces autour de chaque denier public. Pendant la décennie Aziz, comme pendant toutes les décennies qui l’ont précédée la Mauritanie a été dépecée. Elle a tout perdu, car ses enfants, ceux qui devaient la porter vers les niveaux les plus élevés du développement humain, technique, scientifique, politique et économique se réveillaient, chaque matin, armées de couteaux, de haches et de scies pour aller l’amputer de quelque chose.

Dans pareille situation, la poursuite acharnée contre l’ex-président à l’exception de tout coauteur ou complice, ne peut se justifier que par le seul fait qu’il n’a pas accepté de se ranger politiquement. Hier, alors qu’il n’avait pas encore, montré sa ferme intention de ne pas lâcher prise, il était un ami, un allié, quelqu’un qui a construit la Mauritanie. Aujourd’hui, parce qu’il a des prétentions politiques, il devient le voleur par excellence. Haro sur le baudet.

Non, ce n’est pas ça la justice. Ce n’est pas la justice dont rêvent les mauritaniens. La justice doit être générale, abstraite et impersonnelle. Il est bien évident, que ces réflexions feront sursauter de rage, à tort ou à raison, certains de nos concitoyens. A raison, parce que, tellement, l’injustice, l’impunité et la tyrannie se sont installés chez nous, que beaucoup de gens rêvent de voir punir quelqu’un, n’importe qui. Il en est d’autres qui se trémoussent de joie et qui se sentent bien heureux chaque fois qu’ils apprennent que quelqu’un a perdu la vie. Ils pensent, macabrement, et contrairement à toute éthique musulmane, que l’enfer c’est les autres.

Oumar MOHAMED MOCTAR EL HAJ

Avocat

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