La guerre contre le tribalisme a-t-elle commencé à partir de Nbeyket Lahwach ?

Le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani actuellement en tournée dans la wilaya du Hodh Charghi a affirmé hier à Nbéyket Lahwach, qu’il n’y aurait plus aucune tolérance à l’égard de l’utilisation de la tribu, de la région ou de la classe sociale dans des pratiques contraires aux principes de l’État national. Il a souligné la nécessité de faire passer l’appartenance nationale avant toute autre appartenance.
Cette déclaration a été faite lors de sa rencontre dans la soirée avec les cadres et les notables de la moughataa de Dhar.
Le président a déclaré que les fonctionnaires et les agents de l’État, en leur qualité de représentants de celle-ci, n’ont pas le droit d’organiser ou d’assister à des événements à caractère tribal, régional ou communautaire, car cela va à l’encontre du concept d’État citoyen.
Il a mis en garde contre les conflits tribaux autour des puits, des terres ou d’autres ressources, soulignant que de tels comportements nuisent au présent et à l’avenir du pays et ne sont plus acceptables.
Ould Cheikh El Ghazouani a ajouté que la construction d’un État de justice et d’égalité suppose l’élimination des différences et des hiérarchies sociales sous toutes leurs formes, précisant qu’aucun discours ou propagande à caractère raciste ou sectaire ne sera toléré, tout en préservant le droit de chacun à la liberté d’expression.
Ce discours dénonçant avec force les comportements tribaux et autres pratiques liées à des survivances rétrogrades d’un autre âge, n’est pas le premier du genre.
Beaucoup d’autres discours similaires sinon plus virulents contre le tribalisme et ses dérivés avaient déjà été prononcés par le président de la République à diverses occasions.
Nous avons encore en mémoire le discours de Ouadane, prononcé en décembre 2021 lors du festival des cités du patrimoine, visait à jeter les bases d’une « nouvelle République basée sur l’équité et l’unité nationale. »
Il avait mis l’accent sur la nécessité de dépasser le passé et les injustices sociales, de lutter contre le communautarisme et le fait tribal, et d’élever l’État au rang de garant de l’égalité de tous les citoyens, quels que soient leur race ou leur sexe.
Lors de la onzième édition du Festival des cités du patrimoine à Tichit en janvier 2023, le président Ghazouani a prononcé un discours soulignant que les efforts pour le développement du pays seraient vains si les « comportements surannés » n’étaient pas bannis.
Des discours similaires avaient été prononcés par le chef de l’Etat à l’ENJAM en mars 2022 et à Rosso en février 2023.
En Mars 2023 il y a eu le discours de Djéol prononcé à l’occasion du lancement de la première édition de son festival culturel.
Ce discours avait mis en avant « la préservation et la promotion de notre riche diversité culturelle une priorité dans notre stratégie de développement, étant un facteur déterminant dans l’ancrage de notre unité nationale et le renforcement de notre cohésion sociale. »
Il a été suivi en Avril 2023 par le fameux Appel de Djéol qui déclarait: « s’opposer à l’escalade de la psyché tribale qui contredit la logique de l’État moderne et de garder ce qui est nécessaire pour assurer l’unité nationale, ainsi que les intérêts des individus eux-mêmes, car rien n’est mieux à même de protéger l’individu et de préserver sa dignité et ses droits qu’une unité nationale bien établie dans le cadre d’un État de droit moderne. »
Dans cet appel on pouvait lire : « Nous rêvons de transformer la Mauritanie en un paradis de coexistence et de fraternité, et un espace d’édification et de construction, où la patrie est un arbre luxuriant, dans lequel chacun prend de l’ombre, en toute concertation et union.»
Le 21 Avril 2023, le Premier ministre et certains membres de son gouvernement ont signé le document de l’appel historique de Djéol, suivi par tout ce que la République compte de personnalités reconnues. Et la suite on la connait. L’appel a été rangé aux calendes grecques.
Donc aucune suite concrète pour tous ces beaux discours.
Les choses sont restées en l’Etat et la tribu continuait à occuper sa place de choix au niveau des cooptations pour les nominations dans les postes clés du gouvernement, de la haute administration et même au niveau des postes jugés secondaires.
C’est écœurant qu’en Mauritanie, en 2025, pour avancer ou obtenir le moindre droit il faut avoir des bras longs et surtout pouvoir compter sur une tribu qui a du poids.
Et ce critère vient avant la compétence et le mérite. Cette approche qui favorise la promotion des incompétences et contribue à marginaliser les compétences dont le pays a cruellement besoin attise les frustrations et accélère le brain drain (la fuite des cerveaux), une catastrophe pour un pays qui n’arrive même pas à produire de simples ouvriers qualifiés. La récente crise de la main d’ouvre suite au départ massif des migrants est édifiante de ce point de vue.
Voilà pourquoi il est grand temps que le président de la république prenne les choses en main et rectifie le tir en traduisant dans les actes la volonté politique et les discours édifiants sur la lutte contre le tribalisme, des discours rabâchés depuis belle lurette mais dont l’effet se fait toujours attendre.
Et pour mieux traduire ces discours dont celui de Nbéyket Lahwach il convient de revoir dorénavant et en priorité la composition de l’attelage gouvernemental qui continue à se baser sur des dosages tribaux et ethniques.
Bakari Gueye




