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Une inflation record sur les principales denrées alimentaires avec une hausse des prix entre 33% et 94%

L’indice des prix à la consommation est une réalité incontournable pour tous les chefs de famille. Aujourd’hui, j’ai pris connaissance des prix de certaines denrées alimentaires les plus courantes avec les achats mensuels de la famille au marché. Étant un adepte des chiffres, j’ai commencé à scruter et étudier les prix figurant sur la facture des achats établie par le commerçant. Et j’ai enchaîné aussitôt les comparaisons avec les prix d’il y a 18 mois environ.

Je vais à l’essentiel. Les prix sont fixés en MRO pour une meilleure compréhension. Ainsi, le sac de riz gros grains, Zacolloni, de 30 kg est à 14 200. Prix ancien il y a plus de 18 mois 9 500. Soit une augmentation de 50%. Le sac du riz indochinois de 25 kg à 9 600, ancien prix 7 200.

Augmentation 33,3%. Huile en carton 15 L à 13 600. Ancien prix 7 000. Augmentation de 94%. Le kg de sucre est passé de 200 à 300. Soit une augmentation de 50%. Gare à ceux qui l’achètent en détail, il pourrait être proposé à 400 MRO.

Ces prix correspondent à des achats en demi-gros. Ils sont naturellement un peu moins chers que ceux appliqués en détail par les commerçants dans les quartiers populaires notamment. Il faut au minimum prévoir une marge supplémentaire de 10 à 20% pour les prix réels que subissent les populations qui achètent très majoritairement en détail.

Qu’en est-il de la viande et du poisson, nos produits phares ? Pour la viande de veau, le kg au marché et dans les boucheries est fixé à 2400. Ancien prix 1 600. Avec 5 000, on obtient juste 2 kg. Or, il y a 18 mois pour 5 000, on obtenait 3 kg.

Un écart considérable et une hausse de 50%. Quant au poisson je suis allé au marché de la plage acheter, une fois n’est pas coutume, de la courbine, le kg à 2 800. Il y a 18 mois, on pouvait se le procurer presque à moitié prix, 1600 MRO. Une hausse de 75%. Inacceptable pour une production locale.

Il existe un grand paradoxe que nos économistes trop discrets sur ces questions devraient pourtant éclaircir. Pourquoi la viande et le poisson, les deux produits de base qui accompagnent tous nos repas avec l’avantage d’être produits localement, donc ne faisant l’objet d’aucune importation, subissent-ils une hyperinflation d’au moins 50% ?

Si pour le poisson le sabordage criminel de notre patrimoine halieutique par les dirigeants de la décennie passée en a causé la surexploitation et ainsi la rareté à cause de sa réorientation injuste au profit de sociétés étrangères et au détriment des citoyens, la situation de notre élevage, qui a reçu des aides publiques substantielles, devrait interroger davantage nos décideurs.

Une spéculation sauvage pourrait en être la cause. Dans ce cas, les services de l’Etat devraient corriger ces prix exorbitants, sans aucune logique dans un pays autosuffisant en viande et exportateur de la production animale.

Sans nul doute, vivons-nous désormais dans une spirale inflationniste durable. Et c’est ce qui paraît le plus inquiétant. Beaucoup de familles de la classe moyenne risquent de basculer dans la pauvreté du fait de la baisse drastique du pouvoir d’achat. Et les nombreux pauvres sombreront désormais dans le statut très peu enviable de l’extrême pauvreté.

Tout le monde devrait être conscient des répercussions de cette nouvelle flambée des prix sur la qualité de vie des mauritaniens. Cette hausse des prix provient en grande partie de la cupidité des hommes d’affaires. Lesquels répercutent tous les frais additionnels sur le consommateur final. En préservant intactes leurs marges bénéficiaires.

Et pourtant, ces commerçants devraient aussi participer à l’effort sacrificiel de tous les citoyens. À défaut, l’arme fiscale pourrait les y contraindre. C’est cela tout le sens d’une politique active d’une citoyenneté économique qui nous fait toujours cruellement défaut.

Notre élite pour qui tout va si bien dans le meilleur des mondes ne se préoccupe guère de cette épreuve qui va faire mal aux plus vulnérables d’entre nous. Le pouvoir en place semble jouer les arbitres partiaux en ne sifflant jamais les fautes des commerçants véreux. Toujours intouchables, jamais inquiétés. Le comble est que le mauritanien moyen continue de subir toutes ces affres avec une résignation frisant l’inconscience.

Venons-en à la réalité des faits. La situation est grave. D’autant plus que le Fond Monétaire International, dans son dernier rapport, table pour 2022 sur une hausse de l’inflation pour la zone Afrique de 12,4%. Et corrige à la baisse les prévisions de croissance de 4,5% à 3,8%.

Sans compter que de gros nuages s’amoncellent pour l’avenir immédiat et prévoient un semestre orageux. Avec une nouvelle crise alimentaire dont les effets se ressentent déjà avec la stupide agression de la Russie contre l’Ukraine et le refus de l’Inde d’exporter son blé préférant assurer la sécurité alimentaire de ses populations.

Le grand danger est la famine qui menace déjà le Sahel. L’Organisation des Nations Unies vient de lancer un cri d’alarme. « Au Sahel, des familles entières sont au bord de la famine », a déclaré le responsable des affaires humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths. « Si nous n’agissons pas maintenant des gens vont périr », a averti le chef des secours d’urgence de l’ONU. Message onusien d’une clarté effrayante pour la sous-région sahélienne.

Je n’ai pas l’impression que les élites mauritaniennes supposées les plus éveillées, y compris des dirigeants d’opposition, prennent suffisamment en considération toutes ces sombres prévisions d’une conjoncture économique et sociale périlleuse.

Une gouvernance d’urgence impliquerait forcément une réaction anticipatrice diligente, ordonnée et efficace de la part des dirigeants au pouvoir.

Face à une conjoncture morose inspirant une grande inquiétude, succédant à une pandémie qui aura laminé tous les signaux verts de l’économie, l’idéal serait de tout suspendre pour y faire face.

Quelles innovations pourraient alors suggérer l’État et tous ses démembrements afin de venir au secours des centaines de milliers de pères et mères de famille désemparés, souvent en grande détresse, ainsi que des enfants et petits enfants lourdement menacés de malnutrition sévère ou de famine ? C’est cette priorité, et pas une autre, qui devrait fédérer dans l’urgence absolue toutes les énergies nationales.

Béchir Fall,
Juriste Expert International

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