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La fabrique de crétins : les insuffisances de l’Enseignement en Mauritanie, public et privé

Dans les vastes étendues de la Mauritanie, où se mêlent terres arides et traditions séculaires, l’enseignement apparaît comme une cité troublée, un édifice rongé par le temps et les inégalités.

Au creux de cette nation, la fabrique de crétins se déploie, non par une malice intentionnelle, mais par l’insuffisance d’un système éducatif qui semble, malheureusement, prédestiné à engendrer des générations d’individus peu préparés à revendiquer leur place dans un monde en perpétuelle mutation.

Les racines de cette crise plongent dans des défis structurels ancrés, l’analyse des lacunes présentes tant dans le secteur public que dans le secteur privé révèle un paysage éducatif désenchanté.

Aux abords de cette quête de savoir, les murs des écoles se gorgent des espoirs des enfants, mais ces derniers sont souvent confrontés à des obstacles insurmontables, accentués par les divisions ethniques et linguistiques. Une société en fragments est ainsi produite, où la communication et la coopération s’effritent, laissant entrevoir un avenir empli d’incertitudes.

Les lacunes du secteur public : un système sous-financé et surchargé au service des plus défavorisés

Le visage du secteur public est celui d’un asile pour les plus démunis. Confronté à un sous-financement chronique, l’enseignement public voit ses ressources se réduire comme peau de chagrin : à peine entre 2,5 % et 3,5 % du PIB entre 1999 et 2013, chutant à 2,63 % en 2016. Cette insuffisance budgétaire se traduit par une négligence sans équivoque des infrastructures et une absence de continuité éducative, aggravée par des classes surpeuplées, où l’individualité de l’apprenant s’étouffe face à une masse informe.

Les enfants acharnés à apprendre dans ces établissements se heurtent à des conditions d’apprentissage inacceptables. La saturation des classes devient un fardeau qui oblitère l’optimisme de ces jeunes esprits. Les établissements, en majorité fréquentés par les couches défavorisées, deviennent des champs de lutte pour la survie, accentuant les inégalités sociales en rendant l’éducation inaccessible à ceux qui en ont le plus besoin. Les taux d’abandon scolaire, tels des spectres, hantent les écoles, où la misère conjuguée à l’absence de ressources éducatives adéquates (manuels, installations de base) plante le décor d’une chute inéluctable vers l’ignorance.

Les programmes scolaires, souvent décalés par rapport aux besoins contemporains, sont l’écho d’une pédagogie désuète. Les réformes, peinent à transcender le carcan archaïque d’une méthode qui peine à insuffler aux élèves un désir véritable d’apprendre. Par ailleurs, les enseignants, en position précaire, voient leurs compétences dévaluées par un recours croissant à des contractuels sous-payés, à la croisée de l’inefficacité et de l’absentéisme. Dans cet environnement où l’indifférence et le fatalisme se mêlent, les conditions de travail viennent achever de décourager les aspirations des vocations, cultivant ainsi un terreau fertile à la médiocrité.

Le secteur privé : un refuge pour les élites, marqué par des divisions ethniques et une qualité inégale

À l’opposé de cette réalité sombre se dresse le secteur privé, refuge pour les privilégiés, orné de promesses éclatantes mais parsemé de désillusions. Ici, la qualité de l’enseignement varie comme les couleurs d’un arc-en-ciel, laissant à chacun le choix d’un destin scellé par les moyens financiers. Les établissements privés sont souvent perçus comme des havres d’excellence, mais derrière cette façade cossue se cache une vérité moins reluisante. Les divisions ethniques, qui gangrènent le tissu social, sont parfois exacerbées, créant des niches où les jeunes se retrouvent cloisonnés, incapables d’interagir avec la diversité qui les entoure.

Ainsi, le spectre du crétin se profile. Non pas en raison d’un manque d’intelligence, mais plutôt de la pauvreté des esprits nourris par des systèmes qui, au lieu d’élever, deviennent des instruments d’asservissement intellectuel et social. La Mauritanie, sur le fil du rasoir, doit prendre conscience de cette réalité si douloureuse. Le dilemme éducatif qui sévit, tant dans le secteur public que privé, appelle à une introspection collective. Comment, alors, espérer bâtir un avenir où la jeunesse devient l’artisan d’un véritable progrès, si la fabrique de crétins continue de tourner à plein régime, alimentée par l’indifférence et la résignation?

Dans cette conjoncture tendue, le temps est venu de redéfinir les contours de l’éducation, d’ériger l’égale dignité de chaque apprenant en principe fondamental et d’engager une réforme radicale qui cherche à élever, plutôt qu’à abaisser, pour faire éclore un esprit critique et une conscience éclairée. Au-delà de la simple transmission de savoir, c’est la construction d’un avenir habité par des citoyens conscients de leur rôle dans la société qui doit être le véritable objectif.

Dans la quête d’un avenir éclairé pour le pays, le retour à une école publique obligatoire s’impose non seulement comme une nécessité, mais comme un impératif moral. Etablir le socle d’une éducation juste et équitable requiert un engagement résolu en faveur d’un système éducatif revitalisé, capable de répondre aux défis contemporains de notre société fragmentée. Pour cela, il est primordial d’allouer 13 % du PIB à l’éducation, car investir dans l’avenir de nos enfants, c’est investir dans la promesse d’un avenir meilleur.

Imaginons une école où chaque enfant, indépendamment de ses origines socio-économiques, ait la chance de se voir offrir un savoir enrichissant et inclusif.

L’introduction du bilinguisme arabe-anglais dans les programmes scolaires dès le cours préparatoire est une initiative pertinente. L’anglais est enseigné pour son importance capitale dans les domaines scientifiques et son rôle prépondérant dans les relations et les transactions internationales.

En parallèle, l’intégration de nos langues nationales dans ce système éducatif permettrait de créer une véritable mosaïque linguistique. Chaque enfant aurait ainsi l’opportunité d’apprendre au moins une langue nationale en plus de sa langue maternelle, ce qui contribuerait à élargir ses horizons culturels et à renforcer le lien social et la compréhension mutuelle entre les différentes communautés.

Par ce biais, l’école deviendrait le creuset d’une société plurielle, où l’apprentissage des langues ne serait plus perçu comme un simple savoir académique, mais comme une passerelle vers l’empathie et le dialogue.

Parallèlement, l’octroi de bourses à des enfants issus de couches défavorisées, ainsi que leur prise en charge au sein d’internats adaptés, devient une priorité incontournable. Offrir à ces jeunes talents les ressources nécessaires pour s’épanouir intellectuellement et socialement est une question de justice sociale. Les internats deviendraient des havres, des lieux où ancrer une éducation de qualité, où la pauvreté ne serait plus un obstacle, mais un tremplin vers de nouveaux horizons. Ces établissements, s’ils sont conçus dans l’esprit de la solidarité, pourront favoriser un environnement propice à l’apprentissage, à la collaboration et au dépassement des stéréotypes.

Il est temps de quitter l’ombre d’un système défaillant pour une éducation solidaire et inclusive. Le défi est immense, mais l’enjeu est crucial. La reconstruction de notre système éducatif est une déclaration d’amour à notre jeunesse et à notre avenir commun, car il s’agit de vies, de rêves et de potentialités inexploitées qui attendent d’éclore.

Ainsi, nous effacerons les stigmates d’une société qui a trop longtemps cru à la fatalité de son déclin. En œuvrant dès aujourd’hui pour cette fabrique d’élites éclairées, nous cultivons les graines d’un futur où l’intelligence et la compassion se côtoient, offrant à la Mauritanie le potentiel de s’épanouir pleinement sur la scène mondiale.

Alors, en redéfinissant notre vision éducative, nous parviendrons à remplacer cette fabrique de crétins par la fabrique de notre futur élite. Une élite non pas au sens traditionnel du terme, synonyme de privilèges ou d’exclusion, mais une élite fondée sur des valeurs d’empathie, d’ouverture d’esprit et d’intelligence collective.

C’est dans ce cadre rénové que la Mauritanie pourra aspirer à une société à la fois unie et véritablement diverse, où chacun, armé de sa culture et de ses racines, contribuera à l’édification d’une nation forte, respectueuse de ses différences, construite sur le savoir et la compréhension mutuelle.

Jemal Moctar Ellahi

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