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Mauritanie : députés du peuple, anesthésiants du peuple?

« Les députés du peuple prennent en charge la gestation des colères et frustrations d’un peuple qui a la peur au ventre face à la violence des répressions. La délivrance est une parole filmée dans l’hémicycle et relayée dans les réseaux sociaux pour attester que la messe a été bien dite. Il est là le paradoxe. Le système a « démocratiquement » neutralisé la rue. »
Les remarquables prestations à l’assemblée nationale de Ibrahima Moctar Sarr, Kadiata Malick Diallo ,Sammba Cooyel, Sawdatu WAN et d’autres députés du peuple ressemblent à du patinage sur place, des efforts herculéens récompensés par à un châtiment sisyphien!
Ces noms cités de l’actuelle magistrature présidée par le très contesté Général Mohamed Ould Meguett, sont parmi les plus suivis par les victimes et ayant-droits du génocide de 1989-91 perpétré contre les noirs mauritaniens. Ils sont réputés pour leur constance dans ce dossier rouge sang qui constitue leur priorité depuis plusieurs décennies.
De plus jeunes sincères partisans de l’abrogation de la loi auto-amnistiant les auteurs du génocide émergent dans l’hémicycle. Cette loi votée en juin 1993 scinde le parlement en deux, le pays aussi.
C’est notre mur de Berlin, non entre l’Est ou l’Ouest mais entre ceux qui sont pour la justice et ceux qui sont pour la culture de l’impunité. C’est sur cette fracture de la société bien visible qu’il est fondé d’évaluer l’action parlementaire sensée être la volonté du peuple.
On constate que les députés qui interviennent, de l’opposition comme de l’écrasante majorité, sont souvent les mêmes, de grands orateurs. Cependant, ceux qui sont silencieux n’oublient pas l’essentiel : voter par leurs écrasantes voix les lois dictées par la junte et son gouvernement. Parallément, l’opposition protestait par la voix du député du peuple Khally qu’aucun de leurs projets ne passait, fut-il dans le strict intérêt du peuple.
Nos warriors qui tiennent des propos téméraires et bien arrosés de belles formules, parfois dites dans nos belles langues maternelles, entretiennent l’espoir des opprimés, c’est louable. Mais la réalité est que eux-mêmes savent qu’ils sont impuissants face à Goliath en treillis.
Pire, quasiment tout a été dit lors des législatures précédentes, à quelque actualité près. Les mots viennent avec aisance à Ibrahima Sarr ou Kadiata Malick Diallo tant ils sont au chevet des victimes depuis 1991.
Oui, ces joutes à l’assemblée c’est kirikou qui se fait bouffer par le dinosaure des militaires. Une boucherie.
Alors, pour reposer Sisyphe de son énorme rocher, doit-on dissoudre l’assemblée? Non, elle risquerait de renaître de ses cendres. Yoo Alla sur! [Dieu nous en préserve ndlr]. L’idéal serait de la fermer pour que le peuple arrête de regarder la télé et de compter sur les prises de parole devant Ould Meguett ou ses vice-présidents. Boucler l’assourdissante chaîne parlementaire qui anesthésie, comme un mauvais film hindou, anesthésie toute action du peuple.
Le paradoxe? Je crois que la fougue de quelques valeureux députés valide la vitalité de cette démocratie des bottes auprès de la communauté internationale et dispense le peuple de finir ses actions de rue. Qui se rappelle des bavures policières? Qui manifeste contre l’insécurité ? Bien sûr, rien n’empêchera l’apatridrie officielle de centaines de milliers de tékrouriens dans quelques jours.
Nos warriors à l’assemblée seront toujours des kirikous qui ne peuvent pas beaucoup, même pas amener eau dans bidons jaunes. Là aussi, on en parlera à l’assemblée aux premières expulsions d’hommes et de femmes bien de chez nous vers le Sénégal ou le Mali. Le génocide ne s’est jamais arrêté, ce sont les formes de son exécution qui s’adaptent aux époques. Nous savons tous cela, des commanditaires aux victimes, en passant par les exécutants.
Les députés du peuple prennent en charge la gestation des colères et frustrations d’un peuple qui a la peur au ventre face à la violence des répressions. La délivrance est une parole filmée dans l’hémicycle et relayée dans les réseaux sociaux pour attester que la messe a été bien dite. Il est là le paradoxe. Le système a « démocratiquement » neutralisé la rue. »
À part OLAN, qui bat régulièrement le pavé à Nouakchott ? Et pourtant une loi suffirait pour abroger cette loi d’arabisation forcée.
Aucune loi contrariant cet apartheid systémique ne passera. Coluche disait: « la dictature c’est ferme ta gueule, la démocratie c’est cause toujours ! » « . Nos dictateurs ont appliqué la leçon de ce grand humoriste.
Sérieux! il est vraiment grand temps d’exploser cette démocratie et faire parlement TAIRE.
Meilleurs vœux 2024
30 décembre 2023

Siree TEKRUUR (Sammba Ndeet)
[email protected]

PS: Ceci n’est pas une critique des députés mais du système politique devoyé par les militaires. La nature a horreur du vide, j’ai une réflexion naissante pour africaniser cette démocratie inadaptée. Si Dieu me prête vie j’aurais peut-être l’occasion d’écrire par bribes pour valider avec l’aide des lecteurs les idées inachevées. N’hésitez pas à m’écrire sur mon mail concernant les articles déjà parus. J’aime l’interactivité et le partage.

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