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Soudan: sortir de l’impasse politique/Seyid Ould Abah

Après des réunions informelles non concluantes entre les protagonistes soudanais au Caire et Juba, une véritable dynamique politique s’est installée dans le cadre du processus d'Addis-Abeba

People queue outside a Passports and Immigration Services office in Wad Madani on September 3, 2023, following an announcement by the authorities of the resumption of issuing travel documents in war-torn Sudan. – A million people have crossed Sudan’s borders since April, fleeing the war between the Sudanese army and the paramilitary Rapid Support Forces, according to the UN, a figure that would probably be higher were it not for many needing their passport renewed or issued from offices that shuttered their doors at news of the first gunshots. Since the authorities inaugurated a new passport office in the eastern city of Port Sudan in late August, hundreds of people have lined up all day, every day. (Photo by AFP)

Après la suspension des pourparlers de Djeddah entre les principaux protagonistes soudanais, la guerre bat son plein sur les différents fronts du territoire, désormais à feu et à sang. Douze mille personnes seraient déjà mortes depuis le déclenchement des hostilités en avril dernier, selon les estimations des sources indépendantes.

Malgré le refus obstiné du régime militaire du général Al-Burhane d’impliquer les acteurs régionaux dans la résolution du conflit, la crise soudanaise suscite un grand intérêt international. L’initiative du groupement régional de l’Afrique de l’Est (Igad) a été rejetée par le conseil militaire au pouvoir, bien qu’elle ait eu le soutien actif de l’essentiel des forces politiques et civiles soudanaises.

Cette initiative comporte principalement un cessez-le-feu définitif entre les protagonistes, l’implication des mouvements politiques et civiques dans la solution pacifique du conflit et le retour au processus de transition démocratique. Les pays membres de l’Igad, soutenus par l’Union africaine (UA) et les puissances occidentales, seraient les garants de l’armistice et auraient le droit d’intervenir localement pour maintenir le statu quo sur le terrain.

Après plusieurs réunions informelles non concluantes entre les protagonistes soudanais au Caire et Juba, une véritable dynamique politique a vu le jour dans le cadre du processus d’Addis-Abeba supervisé par l’ancien chef du gouvernement civil, Abdallah Hamdok. L’objet de cette nouvelle dynamique est la constitution d’un large front regroupant l’ensemble des forces politiques et mouvements civiques, ainsi que les groupes armés opérant dans les zones sous haute tension pour parvenir à une solution pacifique et consensuelle garantissant le rétablissement instantané de l’ordre constitutionnel démocratique.

L’ancien ministre des Affaires étrangères soudanais, feu Mansour Khaled, disait que l’entité politique soudanaise a été fondée sur un mythe déconcertant et funeste qui est la suprématie institutionnelle et effective des élites du fleuve (le Nil) et de la mer (mer Rouge) sur les marges et périphéries constituées des tribus et communautés non arabes à forte composante non islamique.

Il va sans dire que sans l’approbation effective du conseil militaire présidé par le général Al-Burhane, l’initiative du front civil n’a aucune chance d’aboutir. C’est pour cette raison que l’administration américaine et l’Union européenne mettent actuellement une forte pression sur le conseil militaire pour qu’il adhère au processus d’Addis-Abeba entériné par l’Igad, qui devrait organiser de manière imminente un sommet consacré à la crise soudanaise. Les récentes visites du général Al-Burhane au Kenya et en Éthiopie pourraient signifier l’infléchissement de sa position initiale par rapport aux efforts menés par l’Igad pour une solution inclusive du conflit interne soudanais.

Malgré ses déclarations rassurantes sur l’issue du conflit, le général Al-Burhane est contraint aujourd’hui d’accepter un état de dislocation réelle du territoire soudanais.
Les Forces du soutien rapide (FSR) sont en train de maîtriser la vaste région de Darfour et même de s’immiscer dans le Kordofan, tout en maintenant une présence permanente dans la capitale Khartoum et ses périphéries.

Les forces armées désormais cantonnées dans les régions de l’est du pays (la zone riveraine de la mer Rouge) ne sont plus en mesure de réunifier par la force le vaste territoire soudanais. Les efforts diplomatiques pour maintenir un cessez-le-feu définitif au Soudan redeviennent donc une nécessité impérative.

La médiation saoudienne, qui a par le passé conduit à des trêves humanitaires bénéfiques aux civils soudanais, en est un modèle édifiant. L’esprit de cette méditation est de cesser les hostilités de manière urgente, afin de préparer le terrain pour les solutions politiques complexes et de longue haleine. Il est indéniable aujourd’hui que le projet politique soudanais est à reconstituer et réformer, pour conjurer le spectre de la division et de la dislocation largement entamées sur le terrain.

L’ancien ministre des Affaires étrangères soudanais, feu Mansour Khaled, disait que l’entité politique soudanaise a été fondée sur un mythe déconcertant et funeste qui est la suprématie institutionnelle et effective des élites du fleuve (le Nil) et de la mer (mer Rouge) sur les marges et périphéries constituées des tribus et communautés non arabes à forte composante non islamique.

La séparation tragique du Sud Soudan en 2011, concomitante au déclenchement du conflit de Darfour, a été une étape décisive dans ce processus de désintégration de l’État soudanais central forgé par l’ingénierie coloniale anglo-égyptienne.

Il en découle la nécessité de refonder l’État soudanais sur de nouvelles bases constitutionnelles, prenant en considération la diversité et la pluralité ethnique et confessionnelle du pays. Ce projet, désormais largement partagé par la classe politique, est l’enjeu principal du débat interne soudanais.

 

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