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Affrontements au Sénégal : 9 morts dans des violences après la condamnation de Sonko

TF1 – La situation était tendue jeudi 1er juin au Sénégal, elle a fini par virer au drame. Neuf personnes ont été tuées dans les violences qui ont éclaté après la condamnation à deux ans de prison ferme de l’opposant Ousmane Sonko, accusé de viols.

Condamné pour « corruption de la jeunesse », le candidat à la présidentielle de 2024 est plus que jamais menacé d’inéligibilité. « Nous avons constaté avec regret des violences ayant entraîné des destructions sur des biens publics et privés et, malheureusement, neuf décès à Dakar et à Ziguinchor », dans le sud du pays, a déploré le ministre de l’Intérieur Antoine Diome dans un court message diffusé par la télévision nationale dans la nuit.

Il a aussi confirmé que les autorités avaient restreint l’accès aux réseaux sociaux, ce qui a été constaté par exemple pour Facebook, WhatsApp ou Twitter.
« Ayant constaté sur les réseaux sociaux la diffusion de messages haineux et subversifs, l’État du Sénégal en toute souveraineté a décidé de suspendre temporairement l’usage de certaines applications digitales », a annoncé le ministre, qui a appelé au calme et assuré que l’État prenait « toutes les mesures » de sécurité nécessaires.

La « situation ressemble à celle observée en 2021 », a indiqué le service de surveillance d’internet Netblocks à l’AFP. Le Sénégal avait alors été en proie à des émeutes meurtrières, qu’une interpellation d’Ousmane Sonko avait déjà contribué à déclencher.

Une accusatrice menacée et insultée

Deux ans après le début du scandale dans lequel il est impliqué, l’opposant sénégalais peut désormais être arrêté « à tout moment », a affirmé à des journalistes le ministre de la Justice Isaïla Madior Fall. Sans attendre une telle arrestation, des groupes de jeunes ont attaqué jeudi, dès l’énoncé du délibéré rendu par une chambre criminelle de Dakar, des biens publics en plusieurs points de la capitale, brûlé des pneus et disposé des obstacles dans les rues, selon les observations d’un photographe de l’AFP.

D’importants heurts ont eu lieu à l’université de Dakar : Des groupes de jeunes ont affronté à coups de pierres les policiers ripostant avec des gaz lacrymogènes. Plusieurs cars de la faculté de médecine, du département d’histoire et de la principale école de journalisme du pays ont été incendiés et des bureaux saccagés. Les cours ont été suspendus jusqu’à nouvel ordre. Des troubles qui ont également touché d’autres régions du pays et notamment la Casamance (sud), Mbour et Kaolack (ouest) ou Saint-Louis (nord).

Le plus farouche adversaire du président Macky Sall était accusé de viols et de menaces de mort. Si le tribunal l’a condamné pour « corruption de la jeunesse », qui consiste à favoriser la « débauche » d’un jeune de moins de 21 ans, elle l’a acquitté des deux chefs.

Son accusatrice est une employée d’un salon de beauté dans lequel Ousmane Sonko se rendait pour se faire masser et était âgée de moins de 21 ans au moment des faits qu’elle dénonce. Menacée et insultée depuis que le scandale a éclaté, placée sous protection judiciaire, elle a toujours affirmé que l’opposant avait abusé d’elle à cinq reprises entre fin 2020 et début 2021.

Des dires contestés par la patronne du salon de beauté – également condamnée dans cette affaire – et des témoins du salon de coiffure. Son avocat, lui, s’est dit satisfait de la condamnation d’Ousmane Sonko même s’il considère que l’amende qu’il devra payer (20 millions de Francs CFA soit environ 1517 euros) est minime par rapport aux « souffrances » endurées par sa cliente.

Une affaire largement politisée

Cette affaire a été largement politisée depuis qu’elle a éclaté et est devenue autant un enjeu criminel que politique. Ousmane Sonko a ainsi toujours nié les accusations, criant au complot ourdi par le pouvoir pour l’écarter de la présidentielle. En effet, la décision de justice, au vu du code électoral, semble maintenir la menace sur l’éligibilité de l’opposant politique et sur sa faculté à concourir pour la présidentielle l’an prochain, alors qu’il est le principal adversaire de Macky Sall.

D’autant que l’éligibilité du leader du parti Pastef-les Patriotes, arrivé troisième de la présidentielle de 2019, est déjà compromise par une récente condamnation à six mois de prison avec sursis pour diffamation contre un ministre. Depuis février 2021 que l’affaire de viols présumés défraie la chronique, Ousmane Sonko a ainsi engagé un bras de fer avec le pouvoir pour sa survie politique et judiciaire et une vingtaine de civils ont été tués dans des troubles largement liés à la situation.

Des incidents pour lesquels le pouvoir et l’opposition se rejettent la faute. Jeudi, Ousmane Sonko a dénoncé dans un communiqué un verdict « sur commande, ultime étape du complot ourdi par Macky Sall et ses sbires », appelant les Sénégalais à « descendre dans la rue » et les forces de l’ordre à se joindre à eux, faisant craindre une nouvelle flambée de violence. Car la décision de justice compromet fortement ses possibilités de concourir à la présidentielle.

« Que tous les Sénégalais le sachent : Ousmane Sonko ne peut plus être candidat », a fustigé l’un de ses avocats à la sortie du tribunal jeudi.

A.B. avec AFP

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