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Afrique numérique : qui est Ibrahima Ba, le stratège mauritanien de Facebook sur le continent ?

Recruté en 2016 par la firme de Mark Zuckerberg, l’ingénieur mauritanien est l’artisan de la nouvelle approche africaine du géant américain. Grâce à son projet de câble 2Africa, le prix d’internet va encore baisser.

Il pourrait jouer les stars du web, mais évite la lumière. « Je ne suis pas souvent dans la presse. J’essaie de garder un profil assez bas », admet Ibrahima Ba. Avec un profil à la croisée des chemins entre l’ingénierie télécoms et la gestion des affaires, ce Mauritanien est l’initiateur du plus important projet de câble sous-marin jamais construit pour raccorder le continent.

Nommé 2Africa, il l’encerclera d’ici à deux ou trois ans en partant d’Angleterre pour achever sa boucle en Espagne. Un investissement estimé à 800 millions de dollars qui illustre parfaitement les nouvelles ambitions de la firme de Mark Zuckerberg en Afrique.

Centrales nucléaires

Au début de sa carrière, le natif d’Aïoun el-Atrouss, ville en plein désert du sud-est mauritanien, pensait pourtant davantage au nucléaire civil qu’aux réseaux en fibre optique. Après des études d’ingénieur en mathématiques et en informatique à l’École des mines de Saint-Étienne, en France, il multiplie les stages dans des centrales de l’Hexagone et des États-Unis.

Puis, il entre en 1997 à l’Argonne National Laboratory, un centre de recherche dans les énergies situé près de Chicago, en tant qu’ingénieur logiciel. Désireux de « combiner technique et business », il obtient en plus un MBA en management à la Kellogg School of Management, l’école de commerce de l’Université Northwestern, au nord de Chicago.

Très vite, il se rend néanmoins compte qu’il n’est « pas très intéressé par le nucléaire » et se redirige vers le secteur des télécommunications. Ibrahima Ba rejoint alors Denver, dans le Colorado, pour s’occuper des acquisitions de la société Level 3 Communications, aujourd’hui connue sous le nom de Lumen Technologies, qui fournit des infrastructures de réseaux aux opérateurs. « Cette entreprise est à la base de la transformation numérique des États-Unis », rappelle Ibrahima Ba. Il y passe quatre ans, puis « commence à s’intéresser aux pays émergents ».

La coupe du monde 2010

L’ingénieur intègre ensuite le cabinet américain HIP Consult en 2006 comme consultant télécoms. Ce poste l’amène régulièrement en Afrique, où il aide les opérateurs à mettre en place tous les câbles sous-marins qui ont été construits entre 2008 et 2012. « J’ai aussi participé au déploiement de la fibre optique pour connecter les stades de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud », se remémore-t-il.

En 2016, Facebook le contacte pour faire un travail similaire. À cette époque, le géant californien n’a pas encore investi le continent. Ses infrastructures se résument à « une poignée de points de présence dans quelques centres de données » et le seul projet d’apport de connectivité est Internet.org – qui deviendra ensuite Free Basics.

Ibrahima Ba décide de mettre plutôt l’accent sur le développement des infrastructures réseaux. « Pour augmenter nos points de présence et améliorer la connectivité, on a d’abord besoin de la fibre optique terrestre et sous-marine », résume l’ingénieur.

Calendrier inchangé

En 2019, le projet s’appelle « Simba ». Il devient 2Africa (« un nom plus neutre ») et réunit un consortium de huit acteurs internationaux (China Mobile, MTN, Orange, Vodafone, Telecom Egypt, Saudi Telecom Group, West Indian Ocean Cable Company – WIOCC) engagés à construire un câble desservant 28 points d’atterrissement dans 23 pays, dont 16 africains, avec une capacité allant jusqu’à 180 Tbit/s, supérieure à celle de tous les câbles sous-marins desservant actuellement le continent.

Malgré le Covid-19, son calendrier reste inchangé avec des atterrissements dans les pays prévus en 2023 et 2024. Mais l’ingénieur a déjà l’esprit à l’étape d’après : « Faire bénéficier de 2Africa aux pays africains enclavés, via la fibre terrestre. » Du côté de Menlo Park, des annonces sont attendues bientôt.

Kévin Poireault

Source : Jeune Afrique

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