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Sommet N’Djamena (4eme volet), l’exception mauritanienne

À quatre jours du sommet au Tchad entre la France et les pays du G5 Sahel, Mondafrique poursuit une série de papiers sur  la situation sécuritaire de la région. Dans ce quatrième volet, nous nous penchons sur la Mauritanie du président Ghazouani, un pays devenu le bon élève de la classe dans la lutte anti terroriste.

Voici une quinzaine d’années, la Mauritanie découvrait le spectre du terrorisme  avec l’attaque par le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC); né en Algérie, d’une caserne de l’armée mauritanienne à Lemgheity, dans le nord est du pays,   faisant 15 morts.

Cette attaque sera suivie d’une dizaine d’autres incidents, dont les plus notoires sont  l’assassinat de quatre touristes français à Aleg et la mort de quatre soldats lors d’attaques contre une garnison militaires à El Ghallawiya, en décembre 2007 et en septembre 2008, 12 soldats ont été tués lors d’une attaque contre une patrouille militaire à Tourine.

En février 2011, un double attentat visant  l’ambassade de France a aussi été déjoué par les forces de sécurité. Deux véhicules, bourrés chacun de 1,5 tonnes d’explosifs, ont été neutralisés, l’un à l’entrée de Nouakchott et l’autre plus au sud. Depuis, aucun attentat n’a été commis sur le sol mauritanien. 

La main tendue au diable jihadiste

Fort de ces résultats inespérés, l’ex président mauritanien Aziz s’est toujours affiché, jusqu’à son sépart en 2019, comme l’allié fidèle des Américains et des Européens contre le péril terroriste dans la région du Sahel. La communauté internationale a voulu croire à cette fable, alors qu’elle disposait de sérieux éléments de preuve sur la complicité du Président mauritanien avec les terroristes. En effet, un texte d’Oussama Ben Laden, déclassifié par l’administration américaine, a démontré qu’ »Al-Qaïda au Maghreb Islamique » (AQMI) avait signé, en 2010, un accord de non agression avec le pouvoir mauritanien.

D’après cet écrit dont la très sérieuse agence Reuters avait obtenu un double, les amis de Ben Laden s’engageaient à ne pas commettre d’attentats sur le sol mauritanien. En échange et toujours d’après ce document, le gouvernement mauritanien devait cesser de mener des attaques contre les positions d’AQMI.

Il ne s’agissait pas seulement d’un pacte de non agression, comme certains pays au Sahel ont été tentés d’en passer. Chaque année, prévoit ce pacte du diable, Nouakchott devait verser une somme allant de 10 à 20 millions d’Euros aux petits soldats d’AQMI pour éviter les enlèvements de touriste, une sorte d’assurance vie contre les prises d’otage. Le djihadiste n’a plus besoin de mouiller la chemise pour enlever des étrangers puis négocier la rançon. D’emblée, ce valeureux guerrier est récompensé.

Mais surtout le gouvernement mauritanien s’engage, dans ce même document, à libérer des prisonniers membres du mouvement. Ce qu’il fera en Mai 2013, lorsqu’un des principaux leaders de l’insurrection au Nord Mali et porte parole d’Ansar Dine (allié d’Aqmi), Sanda Ould Boumama, se réfugie en Mauritanie. Après quelques mois de détention, il est libéré en 2015 sans avoir jamais été présenté à la Justice. Quant au chef d’Aqmi en Mauritanie et cousin du président Aziz, El Khadim Ould Semane, il est arrèté en 2008, condamné à mort en 2010 et….toujours en vie.

Duplicités mauritaniennes

On comprend mieux comment, avec de telles complicités, la Mauritanie a été épargnée ces dernières années. Cet accord explique aussi pourquoi l’ex président mauritanien avait refusé, durant l’opération Serval menée en 2013 par la France au Nord Mali, d’apporter la moindre aide militaire à son allié français.

A l’époque, le pouvoir mauritanien avait expliqué ce lâchage par les solidarités tribales entre les maures mauritaniens et les communautés arabes ou touaregs maliens.  La réalité, la voici:  beaucoup d’Imams venus à l’initiative de l’ex président Aziz  en Mauritanie, souvent d’obédience salafiste et financés par l’Arabie Saoudite, avaient pris violemment partie dans les mosquées contre l’intervention des Français présentés contre des mécréants, sans que les autorités interviennent.

Aveuglé par leur vision d’une Mauritanie, « rempart contre le terrorisme », le ministre de la Défense de Hollande, devenu le ministre des Affaires Etrangères de Macron, Jean Yves Le Drian, a voulu croire encore à l’agilité tactique du président Aziz, capable d’une main d’abriter une antenne de la DGSE (services français) et de l’autre de caresser dans le sens du poil (de la barbe) les religieux les plus rétrogrades.

2019, changement de cap

L’élection d’un nouveau président mauritanien durant l’été 2019,  Mohamed ould cheikh el-Ghazouani, modifie radicalement la donne. Chef d’état-major des Armées durant de longues année populaire et compétent, le général Ghazouani avait su conquérir  la confiance des Français, des Américains et de ses voisins marocains. À l’exception du tchadien Driss Déby, aucun autre chef d’Etat du G5 n’a son expertise  pour ces théâtres de guerre hybride, qui mélangent des conflits ethniques ancestraux et des trafics en tout genre.

Avec l’aide du ministre de la défense,  Hanana ould Sidi, originaire de la région frontalière avec le Mali et surtout ancien chef de la Force du G5, le président mauritanien occupe une position centrale au sein du G5 Sahel.

Lors du sommet qui s’est tenu à Nouakchott, le 25 février 2020, où Emmanuel Macron, le président français, étaitprésent, Mohamed ould cheikh el-Ghazouani est intronisé à la tête de l’organisation.  Le secrétariat permanent du G5 Sahel est basé en Mauritanie. C’est également dans la capitale mauritanienne qu’a ouvert en 2016 un Collège de défense du G5 – Sahel qui a en charge la formation d’officiers des cinq pays membres (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad). En juillet 2019, les 36 élèves de sa première promotion sont allés rejoindre le PC central du G5 à BamakoL’option sécuritaire, assumée par la Mauritanie, s’est doublée d’un démarche politique axée sur le développement et la bonne gouvernance, conditions nécessaires à la stabilisation de la région. 

Méthodes éprouvées

Sur le terrain, des unités légères, mobiles, flexibles, armées et entraînées au combat en zone désertique – les groupements spéciaux d’intervention (GSI) – ont été mis en place pour sillonner les grands espaces frontaliers.   Les  parties septentrionales et orientales du pays ont été déclarées zones militaires interdites. Tout déplacement de véhicule ou de personne y est conditionné par l’obtention d’une autorisation spéciale.

L’approche mauritanienne s’est, en outre, appuyée sur la mise à contribution des religieux en vue de contrecarrer la propagande terroriste.  L’activité des Mahadras (écoles coraniques), réputées véritables pépinière des djihadistes, a été placée sous contrôle.

 Dans la lutte contre le terrorisme, une Mauritanie de quatre millions d’habitants fait aujourd’hui figure de bon élève de la classe.

 Nicolas Beau

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